Saint-Hyacinthe : Coopérer jusqu'au dernier souffle

Offrir des services aux morts et aux vivants, c'est le lot des administrateurs et des employés de la trentaine de coopératives funéraires du Québec, qui œuvrent ici-bas depuis 1942. Soixante-dix ans plus tard – et parce qu'on meurt toujours –, les coops funéraires sont toujours aussi nécessaires... et toujours aussi méconnues.

Comme toutes les coopératives, les coops funéraires proviennent de gens du milieu qui décident de s'associer pour se donner des services de qualité, à prix raisonnable. Or, les gens étant bien souvent émotionnellement fragiles lorsqu'ils vivent un décès, des entrepreneurs peu scrupuleux ont maintes fois exploité cette fragilité pour gonfler les factures. De là la pertinence de la formule coopérative pour contrer les abus.

« Dans l'échelle de nos valeurs, l'engagement, l'entraide et l'intégrité sont placés plus haut que la recherche du profit, contrairement à ce qui se passe dans l'entreprise privée », déclare Yves Richard, directeur général de la Coopérative funéraire de Saint-Hyacinthe, aussi connue sous son nom commercial de Résidence funéraire Maska. « L'objectif de profit existe, mais nous sommes une coopérative d'économie sociale, dont le but reste de rendre service aux familles endeuillées. »

Le principal avantage – qui fut aussi paradoxalement un désavantage des coopératives funéraires – est le coût des produits et services, généralement inférieur à celui du secteur privé. La part sociale ne coûte que 20 $ et permet une réduction de quelques centaines de dollars sur les produits et services. Or, cette économie a longtemps été synonyme de bas de gamme. Alain Leclerc, directeur général de la Fédération des coopératives funéraires du Québec : « Oui, les gens viennent pour les prix, mais ils reviennent pour les services. Dans les coopératives, les relations humaines sont à l'avant-plan. Nous sommes dans un processus d'accompagnement beaucoup plus que de vente. » Yves Richard soutient d'ailleurs garder une marge de profit moitié moins grande que les entreprises privées. Tous les excédents sont actuellement réinvestis dans les installations. À ce titre, la Coopérative funéraire de Saint-Hyacinthe emménagera l'été prochain dans de nouveaux locaux, à un jet de pierre du bâtiment actuel, sur la route 116.

Ce projet majeur permettra de sextupler la surface disponible, la portant à 1115 m2 (12 000 pi2) Pour financer l'achat de leur nouvel établissement (ironie de la chose, une ancienne succursale de caisse populaire), Yves Richard et les huit membres élus du conseil d'administration ont choisi d'avoir recours à l'épargne de leurs propres membres. La Coopérative funéraire de Saint-Hyacinthe a donc procédé à l'émission de parts privilégiées ayant des termes de trois, cinq et sept ans et des rendements avantageux.

« En tant qu'entreprise d'économie sociale, nous plaçons l'engagement, l'entraide et l'intégrité plus haut que la recherche du profit dans notre échelle de valeurs », estime le directeur général de la Coopérative funéraire de Saint-Hyacinthe, Yves Richard.

Vivre, coopérer, mourir

Peu connues, les coopératives funéraires offrent pourtant une centaine de points de service au Québec. « Nous avons déjà fait l'expérience de demander à des gens de nommer spontanément des types de coopératives, dit Yves Richard. Les premières qui viennent en tête sont les coops agricoles, d'habitation et financières, comme Desjardins. On ne pense pas spontanément à nous. » Notons que la coopérative maskoutaine offre ses services tant à ses 1600 membres qu'aux non-membres. Elle traite actuellement 150 décès par année.

Les coopératives funéraires

- 25 coopératives funéraires membres de la Fédération des coopératives
   funéraires du Québec

- 100 points de service
- 150 000 membres
- 315 administrateurs bénévoles
- 500 employés
- 9000 familles servies chaque année
- 36,7 millions de dollars de chiffre d'affaires consolidé
- 155,2 millions de dollars d'actifs

(Source : www.fcfq.qc.ca)

Les arrangements funéraires préalables, qui sont des contrats sans frais passés entre la coopé­rative et le membre, sont transférables d'une coop à une autre grâce à une entente entre les coopératives québécoises membres de la Fédération. À la Coopérative funéraire de Saint-Hyacinthe, on pratique aussi l'intercoopération d'une autre façon : on donne à forfait les crémations et les embaumements à la Coopérative funéraire J.N. Donais, de Drummondville.

Fondée en 1980, la coopérative du quartier Douville, à Saint-Hyacinthe, a le vent dans les voiles. Yves Richard : « Présentement, nous recrutons trois fois plus de nouveaux membres que nous célébrons de funérailles, notamment en raison du vieillissement de la population, mais aussi parce que notre part de marché augmente. Nous aimerions cependant concurrencer encore plus les deux entreprises privées fortement établies dans notre région, pour mieux nous partager le marché. »

La concurrence est toutefois vive. « Dans les années 1990, une grande entreprise états-unienne a mis la main sur de nombreux salons funéraires du Québec, explique Alain Leclerc. Comme force coopérative, nous avons su résister à cette poussée en maintenant notre part de marché, qui se situe à environ 15 %, ce qui fait de nous le plus important acteur dans ce domaine au Québec. »

Avec une population vieillissante – Alain Leclerc prévoit un pic de décès vers 2035 au Québec –, l'avenir des coopératives funéraires semble prometteur, puisque tous doivent bien mourir un jour, baby-boomers compris. « The sky is the limit! » lance, farceur, Yves Richard.

Publié dans l'édition de mars 2012 du Coopérateur
Textes et photos d'Étienne Gosselin, agr., M. Sc.

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