Voilà le texte que nous avons écrit...

Voici le texte que nous avons écrit lors du décès de notre fils Rémi, mort à 2 ans et demi d'une maladie génétique le 23 octobre 1999 :*   *   *

Tous les parents ont des rêves pour leurs enfants. Ils veulent tous les faire devenir importants, qu'ils réussissent socialement ou professionnellement. Avant sa naissance, je n'avais jamais envisagé de faire de Rémi un polytechnicien. Je voulais juste qu'il vienne courir avec moi, lui apprendre à feinter intelligemment un gardien de but ou encore lui faire découvrir les jeux vidéos.

Dès qu'il est rentré à l'hôpital Trousseau en juillet 1997, j'ai demandé à Marion, son médecin, s'il serait à la maison pour l'arrivée du Tour de France. Avec cette perspective en tête, quand nous nous retrouvions seuls en fin d'après midi dans sa chambre, je mettais mon petit doigt dans sa main et je lui racontais l'étape du jour. Cette année-là, c'était entre Ullrich, Virenque et Pantani. Finalement, c'est toujours à l'hôpital qu'on a vécu l'arrivée sur les Champs-Elysées.

Puis, au début du mois d'août, ce furent les championnats du monde d'athlétisme à Athènes. Là encore, je venais le soir lui raconter la journée des Français. On a tremblé tous les deux à chaque tour du 400 mètres haies jusqu'à la victoire finale de Stéphane Diagana. Rémi était encore hypotonique. J'espérais toujours qu'un jour il réussirait lui aussi à franchir des haies.

Hiver 1998, le Tournoi des cinq nations voit le second grand chelem de l'équipe de France mais Rémi le vit toujours en différé. Il n'est toujours pas avec moi pour assister aux matchs. C'est une grande frustration qui s'installe durablement. Il se réservait pour une saison plus clémente.

Le 12 juin, c'est sur mes genoux qu'il regarde le match d'ouverture de la Coupe du monde : enfin ! On a suivi beaucoup de rencontres tous les deux. On s'est crié dessus quelques fois, gentiment, quand il soutenait l'équipe de sa maman. Et pour la finale du 12 juillet, il avait son Footix près de lui et deux drapeaux bleu-blanc-rouge sur les joues. Ce jour-là, il avait gagné avec tous les Français.

À Noël 1998, son deuxième Noël avec nous, il avait dit à sa maman le jeu qui me ferait plaisir. Ils l'avaient acheté ensemble. L'étiquette du papier cadeau avait un petit mot signé de son nom à lui. Il m'expliquait qu'on pourrait y jouer tous les deux et que je lui apprendrais. On y a passé des heures et des heures pendant les vacances, moi à la souris et lui sur mes genoux. Il ne protestait que quand j'arrêtais de lui parler. Alors, je le réinstallais et on continuait ensemble. La dernière nuit où je l'ai veillé, c'est à ce jeu que j'ai voulu jouer pour lutter contre le sommeil. J'ai joué toute la nuit en le surveillant. Rémi n'avait plus la force de jouer avec moi.

Certains élèves m'avaient surnommé « trois poumons » parce que je cours sans arrêt et sur tout le terrain. Je suis sûr que Rémi a hérité de cette résistance. Il n'a jamais pu courir, il n'a jamais tapé dans un ballon, il n'a jamais marqué de but mais il s'est battu pendant longtemps sans jamais abandonner. Il voulait me montrer ce qu'il savait faire. La dernière joie qu'il m'a procurée, c'est quand il a mis son beau survêtement comme dernier habit.

Petit Rémi, tout ce que ton papa a pu te dire ou t'écrire, je le pense aussi. Les choses que j'aimerais garder de toi, c'est ton poing levé lors des échographies : tu étais déjà un vrai rebelle. C'est aussi ton sourire aux anges devant les cartons d'archives de la mission. C'est ta petite moue quand on te touchait le nez et la bouche, et tes grimaces quand tu te réveillais. C'est enfin ce dernier câlin que nous avons fait ensemble samedi soir.

Le temps ne t'effacera jamais. Tu nous a toujours donné plus que ce que nous pouvions t'offrir.

Didier et Élise

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Je n'arrive toujours pas à supporter l'absence de mon petit garçon, même si je sais que la gravité de sa maladie ne lui aurait jamais permis d'avoir une vie normale. Il me manque terriblement. Merci de m'avoir lue.

Élise
Paris (France)

Voilà que s'ouvre à moi...