Fred,
S'il m'était donné le droit de t'écrire et de t'envoyer cette lettre, je ne sais même pas comment je pourrais te dire tout ce que je ressens, tellement mes sentiments sont parfois mélangés. Entre compréhension et acceptation, il y a tout un monde !
J'ai si peur de devoir vivre ainsi pendant une éternité encore. Là où avec toi une journée passait comme un souffle, maintenant elles n'en finissent plus. Le cap des 10 ans est passé, même 11 ans que tu n'es plus là. Onze longues années sans toi, je ne veux pas voir passer les 20-30-40 années, ce n'est pas possible !
Fred, j'ai trop besoin de toi ici, je voudrais tellement te revoir, te rattraper, et ne plus te lâcher, JAMAIS ! Qu'on s'enferme dans ton appart', qu'on disparaisse au bout du monde sans laisser d'adresse, qu'importe, du moment que c'est avec toi !
Je ne comprends pas que tu aies pu te tromper comme ça, croire qu'il pouvait y avoir une suite pour moi, une vie sans toi. Il fallait m'emmener avec toi, comment tu as pu penser que je pourrais vivre sans toi. C'est moi qui souffre aujourd'hui. Tu n'imaginais donc pas tout ce que j'aurais été capable de faire pour te sauver, ou tout au moins essayer ! Tu as préféré partir, sans bruit, sans moi...
Malgré tout, je t'aime plus de jour en jour, mais pourtant j'ai si mal... Est-ce le prix à payer pour avoir eu l'honneur de te rencontrer et de t'aimer ? Mon pauvre loulou, pas une année de plus sans toi, c'est trop ! J'ai besoin de toi, je voudrais tellement que tu me serres dans tes bras !
Partir sans moi c'était la pire chose que tu pouvais me faire. Non, le temps n'apaise pas la douleur. Non, je ne peux pas vivre sans toi. As-tu pensé un instant que 10 ans après, tu serais toujours là dans mon cœur, dans ma peau, que jamais je ne te laisserais partir complètement. As-tu envisagé cette option ? Ou juste l'idée que m'éloigner de toi suffirait... Loin des yeux, loin du cœur. C'était sans penser que tu étais l'homme de ma vie. Tu restes ma première pensée du matin, celle où il m'arrive encore de me demander où je suis, où tu es... mais non tu n'es pas là ; plus là depuis si longtemps.
Je t'aime tellement, même après tant d'années. Fred, j'espère que tu n'as jamais douté de tout cet amour que j'avais pour toi... J'aurais tellement voulu réussir à sécher tes larmes. Comment pouvais-tu être si fort et fragile en même temps ? Si je pouvais, je te serrerais fort dans mes bras. Comme avant, jusqu'à ce que tu arrêtes de pleurer.
Ce qui fait mal c'est que je comprends que tu n'aies pas tenu plus longtemps. Mais j'aurais voulu avoir le courage de regarder la vérité en face. Ne pas me laisser aveugler par tes soi-disant projets. Ne pas te laisser m'éloigner de toi. Ne pas partir à Paris sans toi, alors que tu ne m'y rejoindrais finalement jamais. Pourquoi je n'ai pas ouvert les yeux. Avec du recul, c'était trop beau, trop gros !
Je sais que ça a du être dur de prendre cette décision... Quitter la vie pour ne plus souffrir, ne plus penser, ne plus revivre le passé !
J'avais tellement besoin de toi pour avancer. Tu étais mon moteur, mon coin de ciel bleu. Pour toi j'aurais fait l'impossible.
Aujourd'hui, j'ai l'impression d'être une droguée, comme l'alcoolique pense à son prochain verre, moi je suis en manque de toi, et là rien pour tarir ma douleur.
Tout ça ne rime à rien ; depuis que tu n'es plus là je n'ai plus aucun goût. C'est le néant... Ici ou ailleurs ! Quelle différence ? Mais quelles options s'offrent à moi, en sachant tout ce qu'un suicide implique ? Le chaos, l'horreur, la déroute, l'impuissance, la culpabilité, la rage, la colère, le tabou... Tous ces sentiments que seules les personnes qui sont passés par là peuvent comprendre tout à fait. Cette plaie ouverte qui jamais ne guérira. Comme s'il était possible de vivre avec les tripes dehors...
Je t'aime mon amour.
Ton ange,
Manue
Paris (France)