Nous nous étions rencontrés en novembre 2000...

Nous nous étions rencontrés en novembre 2000, ce fut un vrai coup de foudre. En 36 ans de vie terrestre, je n'avais jamais connu une telle passion, un tel amour.     On se découvrait chaque jour les mêmes envies, les mêmes rêves, le même désir... Nous étions à nouveau insouciants : lui à 42 ans et moi à bientôt 36 ans. Je découvrais enfin le bonheur d'aimer et d'être tout simplement aimée après maintes déceptions. Il ressemblait au prince de mes rêves, à celui que j'ai toujours attendu mais auquel on ne croit plus... Il est arrivé : beau, lumineux, joyeux, intrépide, passionné, fou et sage à la fois... Il avait envie de ce dont j'avais envie : d'amour, de sérénité, de tendresse, de douceur, de plaisirs simples à partager dans l'intimité de notre alcôve...

Nous ne faisions pas encore de projets, tous les deux meurtris par de douloureuses histoires qui se terminaient pour lui et qui l'étaient pour moi depuis 6 ans, seule suite à un déchirant divorce. On se disait que l'avenir c'était le présent, on dégustait chaque instant partagé intensément sans oser envisager demain ensemble... Et on s'aimait ainsi sans rien demander d'autre, sans engagement, sans contraintes, sans exigences... On était tellement heureux de réapprendre le bonheur d'aimer, d'être deux pour se soutenir, s'écouter, s'épauler...

Et puis le drame ! Un accident de voiture le 8 juin 2001. Une fraction de seconde pour que sa vie soit emportée à jamais... Cinq jours dans l'angoisse pour moi, personne ne pouvait m'aviser, personne ne connaissait mon existence dans sa vie, seul un ami à qui il s'était confié, mais avec un simple prénom : comment retrouver une femme ???

Je n'étais jamais plus de 12 heures sans nouvelles de lui... 1 jour, 2 jours, l'angoisse monte, je refuse de croire au pire ! Je réalise pourtant qu'on ne pourrait pas me prévenir si... mais non je chassais délibérément cette idée de mon esprit. La troisième nuit je fais un horrible cauchemar : José a eu un accident, ne peut pas me contacter et est dans le coma... Je me réveille, je me calme, non, non ce n'était qu'un cauchemar !!! 4 jours, l'angoisse m'envahit trop... 5 jours : il faut que je sache. Et s'il était vraiment trop tard ?

J'appelle son bureau, je tombe sur son ami qui reconnaît mon prénom et qui m'annonce que c'est « trop tard il est parti définitivement » !!! Je hurle, je crie, je refuse... mais où est-il ? Je veux le voir ?

Délicat, sa famille ne savait pas qu'il avait une « maîtresse ». Moi je savais que José était en instance de séparation et que sa vie privée était encore secrète. Je ne veux pas aller perturber davantage ceux qui le pleurent, ses trois fils, leur maman, etc. Qui suis-je dans tout cela, où est ma place ? Ce n'est pas moi la « veuve » officiellement. Et pourtant c'est à moi qu'il a dit « Je t'aime » quelques heures avant son accident...

Son ami me dit que sa femme est au courant pour nous deux, qu'elle accepte ma présence aux obsèques qui n'ont pas encore eu lieu, qu'elle veut me rencontrer. OUF !!! Je vais pouvoir l'approcher encore, c'est terrible...

Depuis, je ne sais pas comment je vis, paumée entre le rêve de notre conte de fée et le brusque réveil de ce cauchemar, sa disparition. Pourtant j'ai eu la chance d'être acceptée en partie comme une amie quelconque et puis prévenue à temps pour les obsèques !

Je pense à toutes celles à qui ça arrive. Comment faire pour survivre quand on ne peut pas faire son deuil, quand notre présence est indésirée... Je n'étais encore que sa « maîtresse » et même si j'ai été celle qui l'a ramené au bonheur d'aimer, les six derniers mois de sa vie, et qui a partagé toute sa vie intime, je suis « taboue ». Il me manque, je ne peux pas approcher ses enfants, je ne peux pas mettre des mots d'amour sur ses cendres, je ne peux pas parler avec sa maman, de peur de choquer ses fils...

J'ai appris par son ami qu'à la rentrée il allait avoir les clés de son propre appartement qu'il était en train de s'acheter. Preuve qu'il voulait recommencer une autre vie ! Mais le sort a décidé d'une autre vie pour lui, parce que la mort c'est la vie dans une autre dimension. J'y crois ! Cela me donne de la force pour survivre sans lui à mes côtés.

Je vis seule ce deuil. Mes ami(e)s n'ont pas eu le temps de le connaître, ma famille si peu... et je n'ai rien de concret de nous deux sinon nos merveilleux souvenirs auxquels je me raccroche pour ne pas fuir la réalité. Je tente de m'en sortir en me disant que par Amour pour lui, je dois mettre toutes les chances de mon côté pour continuer les rêves que j'avais... afin qu'il soit heureux pour moi ; si je le suis, il le sera forcément... Mais c'est pas simple... Comment faire face à ce destin tragique ?

Écrivez-moi, parlez-moi, dites-moi comment vous faites chaque jour pour continuer alors que rien n'est plus comme avant dans la vie...

Ève
Fontenay-le-Fleury (France)

J'ai eu beaucoup de deuils dans ma famille...