Les parents qui m'ont précédé...

Les parents qui m'ont précédé (et même ceux qui n'ont jamais traversé cette « souffrante » épreuve qu'est celle de la perte d'un enfant), mentionnaient toujours lors de nos conversations, le Temps. C'était une question de temps semble-t-il. Et plus les mois passaient et plus ma peine amplifiait, au point où je me disais : « Mais cette souffrance ne s'arrêtera donc jamais ». D'autres disaient un an, la première année, lorsque tous les anniversaires auront été célébrés...     Mon fils aîné est parti, nous laissant seuls pour célébrer Noël 1999, robotisés aux portes de l'An 2000. Et vinrent les autres anniversaires, celui de son père, la St-Valentin, celle du petit frère puis Pâques, celle de l'autre frère, puis vint la fête des Mères (celle qui m'arracha à nouveau les entrailles), puis la fête des Pères. Le 2 juillet il aurait eu 20 ans, quelques semaines plus tard je fermais finalement la porte aux célébrations. Émotions, chagrin, désespoir par moment et cette absence cruelle qui se fait sentir de façon si soudaine, si cruelle chaque fois que nous nous réunissons en famille.

Il y a 8 mois qu'il est parti, emmenant avec lui son meilleur ami. C'était hier. Il y a une éternité.

Il y a un mois, j'ai rêvé de lui. J'ai revu une dernière fois mon petit bonhomme que je n'ai jamais pu revoir ni même toucher depuis le fameux soir de l'accident. Il m'est apparu comme dans un film, un gros plan de son visage, lumière sur ses cheveux blonds dorés, éclat dans ses yeux bleus, son regard plongé dans le mien, un sourire léger. Puis la caméra s'est mise à reculer doucement laissant apparaître son corps. Un corps désarticulé qui jouait de la batterie en compagnie de deux autres musiciens. Un dernier spectacle, un spectacle d'adieu. Mon fils est venu me dire au revoir, à sa manière me jouant de la musique pour la dernière fois.

Les jours qui suivirent furent difficiles à vivre. Je sentais qu'il partait à présent vers sa nouvelle destinée, et il fallait que je laisse aller. Il fallait que je dise à mon tour « Au revoir Mathieu, prends bien soin de toi là-bas. On se reverra mon garçon, un jour... ». J'ai voulu tout quitter, tout laisser derrière moi, partir moi aussi, quitter la maison qui abritaient mes souvenirs depuis plus de 21 ans.

Puis un matin, la grande tristesse qui m'habitait depuis décembre s'est faite plus discrète, moins envahissante, dessinant parfois un sourire sur mes lèvres pendant que je regardais les dernières photos que j'avais prises de lui. Lui et moi. La musique s'est faite plus douce à mon oreille. Son souvenir moins douloureux. Après de nombreuses rechutes (dont je ne suis pas à l'abri, car la date anniversaire viendra en son temps en décembre), je me lève depuis peu sans être habitée par la grande tristesse au réveil, bien que moi, le véhicule terrestre et lui la chair de ma chair, n'habitions plus la même planète. Nos routes ne se croiseront plus jamais sur cette terre mais son sourire apaisant restera à jamais gravé dans ma mémoire.

Courage à tous ceux qui traversent cette dure épreuve.

Linda  (Mom pour les intimes)
Disraéli (Québec)

Amoureuse de la vie...