Le crabe… Tu sais combien j’avais peur de les attraper...

Le crabe...

Tu sais combien j'avais peur de les attraper au bord de la mer ces petites bêtes qui courent et qui pincent... Je voulais te dire que j'ai finalement laissé l'un d'eux pénétrer mon corps, se placer dans ce sein que tu as tant caressé... ce sein qui n'aura jamais été nourricier pour mes enfants, ce sein qui ne servait qu'à confirmer ma féminité, ce sein qui m'admettait dans le clan des femelles de la famille...

Insidieuse, cette petite bête qui me rappelle tant la mer, le bord de la mer, le vent, la pluie, la tempête, le bruit des vagues, les marées hautes et basses, est en moi... Mon cœur chavire d'angoisse, de peur, Marie haute et Marie basse, j'ai bien du mal à garder le moral, mes yeux errent, se figent sur l'avenir proche et puis l'après... Je n'écoute plus, je n'entends plus, je suis saoule et seule avec ce nouvel habitant... Le temps s'est arrêté jusqu'à quand ?

Je t'en supplie Jean Phi, même si tu m'attends, même si tu me veux... je t'en supplie, laisse-moi ici-bas, où je sais que déjà une petite princesse va naître au début de l'été... je veux l'aimer, je veux la porter, de ce côté malade... Laisse-lui la place, toi que je porte en moi depuis ces neuf mois, le temps qu'il m'aura fallu pour engendrer ce mal, ce cancer... J'accouche tout simplement de ce cancer qui me ronge depuis ton départ... Protège-moi, je veux vivre, tellement vivre encore et encore...

Marie
Quévreville-la-Poterie (France)

Tonton, Tu as choisi de quitter la vie le 14 février dernier...