Le 31 aout dernier... mon frère s’est enlevé la vie… Je m'appelle Lina. Je vis une tragédie.
Mon frère, Louis, est mort à l'âge de 43 ans. Il s'est suicidé...
Pourquoi en parler ? Pourquoi écrire ? Pour me libérer, mais surtout... surtout... parce qu'il faut briser le silence, ce lourd silence entourant les gens qui ont le mal de vivre.
Plusieurs appels à l’aide dans sa jeunesse, dans sa vie… Avec le secours de ma mère, il a toujours réussi à refaire surface, sans jamais s’en sortir… Mais depuis son décès, il y a 3 ans, il est resté triste, terne, sans intérêt, sans vie !!! Il pleurait souvent, disant vouloir la rejoindre, qu'il n'avait plus de raison de vivre, et les tentatives ont suivi… ce fut criant...
En fait, ce deuil n'était que LA goutte dans la mer de sa déprime. LA goutte de trop… Il a toujours été atteint de ce qu'on appelle « le mal de vivre » et je prends les mots de Carole Lalonde-Céré qui exprime bien ce mal qui ronge l'intérieur (le cancer de l'âme). Il se sentait souvent « mal » avec des périodes d’estime tellement basse que la mort lui apparaissait comme une sorte de délivrance, comme LA solution...
Je suis sa grande soeur... Malheureusement, même si je l'écoutais du mieux que je le pouvais quand il me parlait de sa mélancolie, que la prochaine fois serait la bonne, que la prochaine fois, il ne se raterait pas… je ne le croyais plus… Je ne l’ai pas cru. Je lui ai donné des conseils, il a fait des essais… mais ce n’est pas facile, ce n'est vraiment pas évident. Ayant vécu une dépression, je connaissais le chemin, j’ai eu peur… peur d’être absorbée par la sienne, j’ai pris du recul, je me suis éloignée… par peur...
Ce moment était le bon… Dans la journée, nous avons essayé de l'appeler, mais la ligne avait été coupée. Nous nous sommes rendus chez lui. Nous sommes entrés, Je pensais le découvrir, soûl en pleine crise, en train de pleurer dans un coin, au pire... je ne sais quoi… Mais déterminée à trouver une explication et mon frère vivant !!!
J'avance... J’entre, une flaque, et à ma droite sa chambre… mon frère sur le ventre, déjà mauve, l’Horreur !!!
Je n'oublierai jamais, ce DÉSESPOIR m’envahir… Jamais…
Il a eu de très belles funérailles. J'étais calme, en paix… ce n’est de 6 jours plus tard que j'ai craqué, que j’ai réalisé le vide qu’il y aura autour de moi, autour de nous...
Dans la semaine qui a suivi son décès, je me suis sentie coupable. Coupable de ne pas l'avoir pris en charge, coupable de n'avoir pas compris que c'était vraiment sérieux, coupable de ne pas être allée le voir de façon plus régulière, coupable de ne pas l'avoir suffisamment écouté, coupable de ne pas l’avoir materné… COUPABLE !!! Et en même temps, je lui en voulais d’avoir été négligent, de ne pas avoir pris sa vie en main. Aujourd’hui, j'accepte le choix de mon frère. Je me dis qu'il n'a probablement pas eu la force pour réaliser toute la douleur que son geste nous ferait.
Pensez… Quand quelqu'un est en crise, il devrait, il doit songer à une personne qu'il aime, imaginer la douleur que cette personne devra traverser s'il passe à l'acte.
Être malade dans notre tête n'est pas honteux et la dépression, l'angoisse, l’anxiété sont des maladies. Il faut que les gens comprennent l’importance de consulter des professionnels quand ils se sentent mal à l'intérieur.
Le monde est dur et plein de jeunes sont malheureux et ils n'en parlent à personne. Il faut communiquer, car tout fini par s'arranger. On peut s'en sortir. On doit apprendre à communiquer avec nos parents, nos amis, un thérapeute. Il faut comprendre que le mal de vivre c'est sérieux. S.v.p ne cédez pas à cette fausse solution. Quand le goût de mourir devient trop fort, on peut appeler de façon anonyme dans les centres de préventions du suicide. Il faut se battre et se dire qu'un jour… on réussit à s’en sortir. Quoi qu'il arrive, parlez-en… Entourez-vous des bonnes personnes…
Nous avons tous quelque chose à accomplir sur cette terre. Mon frère était un excellent dessinateur, excellent en design intérieur et extérieur… Il a fait et aurait pu faire de grandes et belles choses. Je réalise peu à peu son absence… que Louis est réellement mort, qu’il n’est plus là… Il me manquera...
Aujourd’hui, doucement je reprends goût à ma vie, doucement mais sûrement… encore plus motivée que jamais à la vivre doublement…
xx
Lina
Blainville (Québec)