Je n'arrive toujours pas à utiliser l'imparfait...

Cela fait un mois aujourd'hui que je n'ai pas tenu Hugo par la main. Je n'arrive pas toujours à utiliser l'imparfait pour parler de mon Amour qui est toujours aussi plein de vie, tout fier d'avoir trois ans et tout fier d'être grand.

Cinq minutes d'inattention et ma tante qui le gardait ne l'a plus trouvé. Hugo aime tellement s'approcher de ce magnifique bassin d'un vert étincelant pour pêcher... On m'a téléphoné pour me dire qu'il fallait que je rentre vite. Lorsque je suis arrivée, munie de tous les efforts possibles pour me dire : « Ne t'inquiète pas pour l'instant... », un policier s'est précipité vers moi pour me dire : « Ne vous approchez pas. » J'ai cru devenir folle. Moi qui avait confié mon enfant tout plein de vie...

Je ne comprends toujours pas ce qui nous arrive. Je sens Hugo si près de moi tous les jours, je sens son Amour et sa présence partout. Les moments d'extrême douleur succèdent aux moments d'apaisement durant lesquels je lui parle, je lui écris. J'écris aussi tout le courage qu'il me donne car il dit toujours : « Moi, je suis très courageux ! »

À travers mon témoignage, plutôt que la souffrance, je voudrais faire partager ce que les gens autour de nous, pétrifiés de terreur, appellent le « courage » mais qui n'est rien d'autre que notre instinct de vie, celui qu'Hugo sait si bien nous envoyer. Grâce à cette étincelle qui jaillit entre deux moments de désespoir insoutenable, je devine des chemins vers des portes que je pourrai bientôt ouvrir plutôt que de foncer contre des murs qui ne sont que le reflet de l'inexistence des réponses que personne ne détient.

Je sais que le chemin de l'acceptation de me séparer de mon enfant sera long, très long, sûrement infini, mais ces mots que je peux écrire aujourd'hui ne sont-ils pas signes d'espoir ? La révolte gronde en moi et le préjudice fait à Hugo me fait souffrir plus que la séparation d'avec ma propre chair. Je me sens enfermée dans tout cela mais peut-être pas condamnée.

Aujourd'hui, j'ai décidé de continuer à vivre pour Hugo, pour qu'à travers mes yeux il puisse encore admirer « le beau paysage », pour que dans ma bouche il puisse encore se régaler de fraises et de cornichons, pour qu'il puisse entendre à travers moi le chant des oiseaux et des cigales.

Je sais que la douleur insoutenable me guette, qu'elle va fondre sur moi d'un instant à l'autre : ce sera alors le moment pour moi de relire ce que j'ai pu vous dire durant ces quelques minutes d'apaisement, et de m'y accrocher très fort.

J'espère beaucoup pouvoir faire partager cette étincelle d'espoir à tous ceux qui en ont besoin.

Laure
Carpentas (France)

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