Je n'ai pas eu le courage d'assiter ma mère...

J'ai perdu ma mère, âgée de 62 ans, des suites d'un cancer du poumon le 22 septembre dernier, à l'hôpital.     Je n'ai pas eu le courage de l'assister, ignorant ou feignant d'ignorer que je la voyais en souffrance pour la dernière fois... La culpabilité inhérente à ce manque de courage m'envahit, mais je regrette énormément d'autres choses, parmi lesquelles le fait de ne pas lui avoir dit qu'elle ne sortirait plus de l'hôpital, alors qu'elle me tendait des perches immenses que je n'ai pas pu saisir.

Ma mère m'a élevée seule, et je suis fille unique. Notre relation n'était pas fusionnelle au sens où on l'entend habituellement, puisque j'ai toujours eu tendance à la rudoyer et que du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours évité les contacts physiques, et ne l'ai quasiment jamais appelée « maman ». Mais ceci est peut-être tout à fait typique d'une relation fusionnelle ?...

J'ai pour ma part 31 ans, et je vais accoucher d'ici 15 jours de mon premier enfant, une petite fille... Je n'ai absolument pas vécu ma grossesse : si j'osais, je qualifierais ma réaction dans les tout débuts de « déni ». Je n'ai pas parlé à mon enfant, j'ai négligé beaucoup de choses, et en plus je pensais attendre un garçon, ce qui me terrorisait. Je me suis complètement éloignée de mon ami, et j'ai tenté de me rapprocher de ma mère qui connaissait sa maladie depuis le mois de mars 1998.

Je n'ai pas retrouvé ma réaction dans les étapes du deuil « normal », que ce soit sur ce site ou dans des ouvrages. En fait, depuis la semaine dernière, donc depuis le décès de ma mère, j'ai commencé à « investir » ma grossesse, et somme toute, je vais assez bien. Il me semble que je diffère le moment où je vais craquer, et j'ai terriblement peur de ne pas pouvoir me relever, ou que le bébé en pâtisse.

Mais quand vais-je enfin pouvoir exprimer mon chagrin ? Après mon accouchement ? Après mon congé parental ? Ces questions me rongent, et je sais bien que je ne pourrai pas faire l'économie d'une grosse déprime pour ne pas dire plus, car en tant qu'enfant unique, avec un référent unique (pas de figure paternelle), ce qui vient de nous arriver est ce que je redoutais depuis ma plus tendre enfance. J'ai toujours eu la hantise que ma mère, grosse fumeuse, développe un cancer du poumon. Et voilà que cela se produit.

J'ai du mal à en parler car j'ai l'impression de faire peur aux gens qui m'entourent. J'aimerais bien quelques conseils, et surtout, j'aimerais bien « lâcher prise »...

Stéphanie
Marseille (France)

Chère maman, cela fait trois mois...