Il est si difficile de "raconter". Ma vie fut remplie de tant d'amour et le destin nous a si souvent trahi. La solitude et le vide, ce manque intraveineux est là. Tout le temps rire, sourire, se battre, être au milieu du monde sans en être vraiment. Je suis le vestige d'une famille. Je sais qu'il y a des drames plus profond mais je me suis toujours sentie seule et j'écrase même le deuil d'autrui tellement à mon âge j'ai vécu (et vraiment entre guillemets) tant de tristesse. Je vais vous raconter mon invraisemblable destin, le plus succintement possible.
Je viens d'une famille plutôt heureuse, une petite maison dans une ville moyenne, deux enfants, le travail, l'école, les vacances à la mer, bref tout ce qu'il y a de plus banal mais constructif. Un matin d'hiver, alors que je me préparais pour aller à l'école, ma mère est "tombée", infarctus. 5 semaine plus tard, elle se réveille du coma, ne me reconnaissant plus (j'avais alors 12 ans), elle est incohérente et les médecins nous expliquent que sa capacité de récupération mentale est très restreinte.
Je continue ma vie avec mon père et ma soeur de 6 ans mon aînée. Je sens bien mon père un peu dépassé, il a besoin de ma soeur mais il garde la barre haute, assume le quotidien malgré l'abandon de la famille (morte oui, mais accueillir une handicpapée mentale c'est trop difficile...). Ma mère vit avec nous mais tout cela nous consolide, mon père, jusque là si discret commence à nous parler. Oh juste de choses et d'autres, sa jeunesse, leur rencontre, pas d'amour bien sûr, trop de pudeur, mais nous le savions tellement.
La dégénéréscance de ma mère s'amplifiant, nous devons la placer en institut. Coûteux et culpabilisant... 1 an plus tard mon père développe un cancer incurrable qui ne lui donnait que 6 mois à vivre. Cet homme, mon père, dans la solitude la plus extrème, pas d'amis encore présents et une famille pseudo catho qui vient "visiter" ses malades. Cet homme trouve la force, devant la mort, de se battre, de nous protéger.
Ma soeur, qui a alors 24 ans, développe un Hodskin (sorte de leucémie). Je ne m'étalerai pas sur la difficulté d'annoncer à mon père la maladie de ma soeur dont il ne verra jamais la guérison.
Bon, j'avais dit bref, alors... Mon père décède le 1er décembre 99. Ma soeur "guérit". Notre rapport au fur et à mesure des années est devenu plus que fusionnel. Elle est celle qui me porte et m'embellit, LA prsonne pour qui je veux devenir grande. 9 mois après la mort de mon père, je tombe enceinte. Malgré des divergences religieuses, je décide de garder l'enfant. J'étais certes amoureuse mais surtout je ne pouvais pas, après tout ce combat, cette rage de vivre, cette injustice, porter la mort. Je tiens à préciser que je ne suis pas contre l'avortement, je parle ici d'un moment personnel. Mon couple explose mais je suis la maman la plus comblée du monde. Cette enfant arrive, elle est un renouveau pour moi, pour ma soeur, nous sommes peu mais une famille aimante, proche. J'ai ma soeur, ma fille et je reprends confiance en la vie.
1 an plus tard, ma soeur tombe enceinte. Nous avons toutes deux une vie professionnelle, une maison, une famille même si je suis seule avec ma fille. Nous sommes fusionnelles, elle est celle qui me rend belle, qui me rend grande, qui me donne des ailes.
Et puis rechute, leucémie. Le jour des test elle me dit : "Tu sais, si je meurs ce n'est pas grave, j'ai 34 ans et malgré tout j'aurai eu une belle vie". Je ne peux conter ce qui s'est passé durant ces 2 ans. C'est abrupt mais elle est morte le 1er janvier 2009.
Depuis, je suis seule, inondée de souvenirs qui ennuient les autres. Je me bats toujours pour me fondre dans le monde mais comme au premier (dernier?) jour je me demande pourquoi je suis là toute seule sur terre. Trop différente pour me mêler aux autres et trop respectueuse du combat de vie pour ne pas tout tenter pour essayer de "vivre comme les autres".
Nienna
Lyon (France)