Étant enfant, ma famille a connu une succession de deuils...

Étant enfant, ma famille a connu une succession de deuils. La manière dont ils m'ont été présentés m'a traumatisée au point qu'à l'âge adulte, je n'en suis pas encore remise. Une foule de détails que, normalement, j'aurais dû oublier m'assaillent régulièrement et me font frissonner. Mon témoignage a pour but de vous indiquer ce qu'il faut surtout pas faire devant les enfants. Dans ma famille, on ne communiquait pas. On ne me disait rien, sous entendu : « Elle est trop jeune pour se rendre compte » ou « Maintenant, elle devrait comprendre ».     N'ayant reçu une éducation religieuse que tardivement, les cimetières avec leurs christs grimaçants m'effrayaient au plus haut point. J'imaginais que les gens enfermés dans les caveaux étaient ainsi. Lorsque j'entendais, à la télévision, évoquer la « dépouille mortelle » d'untel, je croyais que l'on faisait des morts comme des lapins, qu'une fois morts, on leur enlevait la peau.

Ma mère pleurait facilement, comme une madeleine. Elle n'expliquait pas pourquoi. Ses larmes me faisaient peur. Une cousine très proche est décédée d'une longue maladie quand j'avais 8 ans. On nous avait prévenus par téléphone. Dans leur magasin qu'elles avaient laissé ouvert, ma mère et ma grand-mère pleuraient devant les clientes. C'était après l'école. Je m'étais terrée dans la chambre du fond, et je faisais semblant de lire, sans ouvrir la lumière pour éviter qu'on vienne me chercher. Je partageais la même chambre que ma mère. La nuit, quand elle me croyait endormie, je l'entendais qui sanglotait dans son lit. Je savais tacitement que je ne devais pas prononcer le nom de la défunte, de crainte de la voir fondre en larmes, ç'aurait été horrible.

Quelques années plus tard, ma mère, qui était seule, s'est remariée. Ma grand-mère est morte. Ce fut après de très pénibles épreuves, presque un soulagement. J'étais soulagée. J'avais 13 ans et l'on m'avait envoyée au catéchisme. Les crucifix ne m'effrayaient plus. Là encore, je n'ai jamais pu prononcer depuis devant ma mère le nom de ma grand-mère. Je ne l'évoque que devant des étrangers. Dès que quiconque l'évoquait devant elle, elle fondait encore, comme si son visage était en cire molle.

Je me souviens d'un cauchemar : ma mère s'approchait de moi et me m'annonçait qu'elle allait bientôt mourir. J'ai vécu dans une angoisse que je ne pouvais partager avec personne.

Expliquez la mort à vos enfants, ne vous dites surtout pas qu'ils ne comprennent rien. Ils comprennent à leur manière, mais ce n'est pas toujours la bonne. Parler du défunt souvent, en termes élogieux, sans tristesse et, toujours, communiquer.

Isabel
(France)

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