Cela fait 4 semaines que mon amour est parti dans les étoiles... après 2 années de maladie, de lutte acharnée pour remonter, un an de rémission avec à nouveau des projets. Les résultats de scanner étaient parfaits et puis, mi-juin récidive avec impasse thérapeutique, plus de traitement possible, retour à la maison avec prise en charge palliative.
Il a accepté l'annonce terrible en 24 h, courageux jusqu'au bout ! Et moi, je l'ai accompagné dans cette fin de vie terrestre avec tout mon amour, en acceptant cette situation, en pleurant près de lui, en lui disant tout mon chagrin à la perspective de son départ, en partageant des instants d'une très grande tendresse.
Prêt, on ne l'est jamais ! C'est une douleur extrême dont seules les personnes qui l'ont vécue peuvent témoigner. J'ai mal, en dedans, dans chaque parcelle de mon être, comme un mal qui ronge, bien sûr pas en permanence mais cette douleur physique était inconnue pour moi, alors qu'elle est bien réelle Je ne prends pas trop les versions imagées car je crois que nous sommes capables de nous rendre réellement malade, de générer des vrais troubles, de vraies maladies ; mon cœur ne saigne pas, mon âme est toujours forte, mon corps même affaibli a encore beaucoup de force, mon être profond même touché a toujours énormément de ressources.
Personnellement, je pense qu'au-delà de cette douleur immense et de ce vide sidéral que nous ressentons, nous avons aussi la possibilité de rebondir. Je suis la première à avoir du mal à m'épancher auprès des autres, à avoir peur de les lasser avec mes pleurs, mon chagrin et mes paroles qui tournent autour de mon mari que j'aimais tant. Beaucoup m'ont souhaité « bon courage » lorsque je l'accompagnais dans le quotidien, de jour comme de nuit. Je n'ai jamais eu besoin de courage, mon amour me portait et me donnait cette force immense et insoupçonnée pour faire face et gérer tout ce qui était là, tout ce qui posait problème (infection, urgences, vomissements, lit à changer à n'importe quelle heure la nuit...).
C'est maintenant qu'il est parti que j'ai besoin de ce courage. Maintenant que j'ai besoin de douceur et de compréhension bienveillante à côté de moi. Partager, c'est important, essentiel même, pour alléger le poids de ce que nous portons, pour redonner sens à notre vie et à nos relations. Bien sûr, accepter l'absence apparaît comme une trahison envers notre amour disparu mais non, la vie reprend ses droits et l'être aimé voulait notre bonheur même sans lui ou elle.
Mon mari m'a dit avant de partir « tu es apte au bonheur »... comme une invitation à poursuivre sans lui, même si cela me semble encore mission impossible à beaucoup de moments. J'ai beaucoup apprécié de lire cette phrase car elle m'évoque la réalité : « On pense que ce sont les vivants qui ferment les yeux des mourants, mais ce sont les mourants qui ouvrent les yeux des vivants. » À chacun.e de poursuivre et de retrouver la force en soi et avec les autres pour remonter, même si c'est long et semé de difficultés. On monte et on descend, moins bas à chaque fois, et il faut du temps, beaucoup de temps pour apaiser les douleurs.
Je redoute notamment les premières fois sans lui, comme c'est évoqué souvent, dans cette première année à vivre sans lui. Les dates fortes, les lieux où nous allions ensemble, ce que nous aimions partager, les échanges sur tout, la journée, la vie, nos aspirations, nos valeurs. Partager, c'est le maître mot, de sa vie d'homme généreux, de nos valeurs communes, de ce qui est à reconstruire. Comme ici, sur ce lien de parole, PARTAGER.
Je souhaite, pour vous tous et pour moi-même, que le temps et ces partages retrouvés nous aident à remonter et faire vivre ce que nous avons porté jusque-là, avec cet être chéri qui sera toujours en nous. « Le merveilleux d’une maison n’est point qu’elle vous abrite ou vous réchauffe, ni qu’on en possède les murs. Mais bien qu’elle ait lentement déposé en nous ses provisions de douceur. » Antoine de Saint Exupéry, Terre des hommes.
Sylvie