Bonjour, la situation que je vis est assez particulière...

J'avais, pendant mon enfance, une famille très soudée et très présente avec des Noël joyeux autour de ma grand-mère maternelle. Les choses ont commencé à basculer quand ma grand-mère a été hospitalisée. Elle a appris en juin 1989 qu'elle avait un cancer du colon. Les médecins ont tenté une opération mais tous ses intestins n'étaient plus qu'un amas de cellules cancéreuses. Ils ont refermé sans rien faire. Le pire été de ma vie. Elle a passé trois mois à l'hôpital et est morte le 24 septembre. Avec toute ma famille, on a passé l'été à son chevet et j'ai recueilli son dernier souffle (selon l'expression consacrée) en septembre. J'avais 15 ans. Ce n'était que le début.     L'année suivante, ma mère (avec qui je vivais seule) a trouvé le fils des voisins (avec qui j'avais des relations amicales) pendu dans sa grange. J'ai du soutenir ma mère, qui était déjà mal en point depuis de nombreuses années, dans cette épreuve.

L'année suivante, alors que ma famille cherchait de nouveaux repères pour trouver un mode de communication qui se passe de ma grand-mère, une de mes cousines est morte sans qu'on comprenne ce qui s'était passé. Elle est tombée d'un viaduc qui était juste en face de chez mon grand-père (maintenant veuf) à l'endroit où nous jouions enfants (elle vivait chez lui à cette période). D'après un témoignage de quelqu'un qui se trouvait en bas du pont, elle aurait crié au secours accrochée au parapet, serait tombée, et une voiture sur le pont aurait démarré en trombe juste après. On n'a jamais pu en savoir plus. Elle avait 20 ans.

L'année suivante, le père de ma cousine (le frère de ma mère) est mort dans un accident de voiture. Il pleuvait, il faisait nuit et il avait bu. Il a pris la route pour aller chez mon grand-père après s'être engueulé avec sa femme.

L'année suivante, mon autre oncle (paternel) s'est tiré une balle dans la tête le jour de Noël. On arrive en 1993.

L'année suivante, mon grand-père maternel a eu un accident cérébral et est décédé après un an à l'hôpital. La même année, le mari de ma tante (maternelle) est décédé d'une crise cardiaque. Période d'accalmie. Pas de décès pendant 5 ans.

Puis en 2000, l'amie d'enfance de ma mère qu'on avait adoptée dans la famille (elle-même n'en ayant pas passait les Fêtes avec nous) est décédée d'un cancer généralisé.  Puis en 2001, un de mes amis est mort d'une overdose.

Je dois dire que tout ça fait beaucoup pour mes petites épaules. J'ai l'impression de n'avoir fait le deuil de personne (pas le temps) et d'avoir depuis plusieurs années une impression que j'ai baptisée de « mort imminente ». Je m'arrête souvent dans ce que je fais pour profiter de l'instant présent en me disant que je vis peut-être ma dernière journée sans le savoir. J'ai tendance à vivre au jour le jour sans faire de projets à long terme. J'ai très peur de la mort, même si je ne me l'avoue pas souvent. J'essaie en permanence de me battre contre les fantômes qui me hantent. Mais je pense à eux tous les jours. J'essaie de me rassurer en me disant qu'au niveau statistique, tout le monde passe par une période où il y a beaucoup de décès autour de lui et que j'ai peut-être passé la pire période de ma vie à ce niveau. Mais je n'arrive pas à accepter ces décès. Je me disais qu'avec le temps la douleur s'atténuerait mais elle est toujours là. Je ne comprends pas le mot « deuil ». Ces personnes, quand je pense à elles, ont toujours autant de réalité pour moi et elles me manquent.

Ma famille a complètement explosé suite à ces événements, nous nous sommes très peu vus pendant plusieurs années et nous commençons à renouer des liens.

Pendant un moment, j'ai eu ce qu'on pourrait appeler syndrome également, celui de ne plus m'attacher à personne de peur de les perdre. Eh bien, ce n'est pas vivable et j'en suis revenue. Mauvaise tactique. J'essaie de dédramatiser, de relativiser, mais comme la vie est injuste. Laisser passer le temps et construire autre chose qui vienne combler le vide est sûrement le meilleure chose à faire.

Youna
Rennes (France)

Voilà cinq ans maintenant...