Ultime adieu: des sanglots au silence

Par Catherine Ferland, docteure en histoire et auteure du livre 27 faits curieux sur la mort, d’hier à aujourd’hui
Que ce soit individuellement ou collectivement, les personnes endeuillées expriment de diverses manières le bouleversement intérieur et la peine suscités par le décès d’un proche. Ce chagrin peut se manifester bruyamment par des sanglots, des lamentations et des cris, voire des hurlements… ou, au contraire, par leur absence totale. 


Si l’intensité et le volume varient beaucoup selon les époques et les contextes culturels, il n’en demeure pas moins que gémir et crier sont des façons universelles de réagir à la mort. En évacuant un trop-plein d’émotions, ces plaintes permettent de soulager l’endeuillé : sans être tari, le chagrin s’avère moins vif.

Pleureuses à gages

À ce besoin spontané et irrépressible de pleurer un proche se superposent les pleurs planifiés, codifiés et rémunérés des pleureuses professionnelles. Dans plusieurs cultures méditerranéennes, le recours aux pleureuses (très rarement des hommes) s’ancre dans une tradition plusieurs fois millénaire. Elles sont engagées pour exprimer de façon dramatique la douleur ressentie par la perte. Pendant quelques heures, voire toute une journée, elles poussent des cris perçants et se lamentent en se frappant la poitrine.

Embaucher des pleureuses relève probablement d’une préoccupation honorifique afin d’exprimer visiblement l’importance de la personne défunte. Dans certaines cultures où l’expression de soi est déconsidérée, les pleureuses peuvent aussi permettre d’extérioriser la douleur par procuration, à la place de la famille. Bien que cette profession soit en voie de disparition, on trouve encore des pleureuses professionnelles dans certaines régions rurales de la Chine et de l’Inde, en Côte d’Ivoire et dans quelques autres pays.

Un silence de mort 

Le silence est également l’une des expressions courantes du chagrin, susceptible d’intervenir à plusieurs moments du deuil. L’annonce même du décès peut plonger les proches dans une stupeur muette, la souffrance étant si insoutenable que la prostration devient le seul rempart! Cet abattement silencieux peut également suivre une épuisante séquence de larmes et de gémissements : n’ayant plus ni voix ni force pour pleurer, la personne endeuillée s’accorde cette sorte de répit hébété.

Le silence peut aussi refléter des croyances et des traditions culturelles. Par exemple, dans la religion juive, l’excès de pleurs témoigne d’un manque de foi en la justice divine. Les rabbins invitent les endeuillés à adopter une certaine retenue : après trois jours consacrés aux pleurs, ils doivent s’en remettre à Dieu et s’efforcer de retrouver la sérénité. Une attitude analogue est attendue du côté de l’Islam. Les pleurs sont permis, mais à la condition d’être silencieux. Il existe même un interdit touchant les lamentations, les cris et les plaintes. On considère que le défunt, même une fois inhumé, entend ces expressions de tristesse et que cela lui est néfaste. La résignation et la maîtrise de soi constituent l’idéal musulman en matière de deuil.

Enfin, l’absence de manifestations bruyantes peut signifier le respect. C’est la base même de la fameuse « minute de silence » de nombreuses cérémonies, où la suspension momentanée de toute distraction sonore permet une introspection collective afin de saluer la disparition d’une personnalité publique ou de marquer une tragédie collective.

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