Perdre son bébé au moment d'une grossesse peut constituer une véritable tragédie pour bien des parents. Ils doivent alors faire le deuil non pas seulement d'un être, mais bien de tout un avenir qu'ils avaient imaginé avec lui, d'un rêve merveilleux qui parfois s'évanouit en quelques secondes... Autrefois peu reconnu, le deuil périnatal intéresse de plus en plus de gens qui tentent d'offrir soutien et compassion à ces parents « désenfantés » par le sort.
Véritable pionnier dans le domaine du deuil périnatal, le Centre hospitalier Pierre-Boucher fut le premier à se doter en mars 1988 d'un programme structuré d'intervention auprès des parents en deuil de leur bébé. Mentionnons que le deuil périnatal réfère à la perte d'un bébé (ou d'un fœtus) pendant la grossesse, à l'accouchement ou 28 jours après.
Un personnel sensibilisé
« Les intervenants, formés et sensibilisés aux répercussions du deuil périnatal, jouent un rôle prépondérant dans le processus de deuil des parents, souligne Suzy Fréchette-Piperni, infirmière spécialisée en deuil périnatal, qui a élaboré et mis en place le programme de soutien du Centre Pierre-Boucher. « Ainsi, le personnel hospitalier les prépare à vivre ce deuil, mais aussi à faire face aux commentaires de l'entourage qui tentera parfois de banaliser la situation. » En effet, les proches ne comprennent pas toujours pourquoi la perte d'un être que l'on n'a pas connu peut causer autant de souffrances... »
« Nous encourageons beaucoup les parents, quand cela est possible évidemment, à voir leur bébé, à le prendre dans leurs bras, à conserver des photos de lui, etc. Sinon, comment traverser sainement un deuil si l'on n'a aucune représentation de ce que l'on pleure ? » soulève madame Fréchette-Piperni. Le programme vise également à aider les gens à exprimer leurs émotions, à les conseiller dans les décisions qu'ils devront prendre relativement au corps du bébé et aux rituels entourant son décès. On les renseigne aussi sur les ressources existantes », ajoute-t-elle.
Quand les rêves s'envolent
Les parents qui vivent cette situation difficile ont souvent besoin de parler. Bien que famille et amis puissent avoir été fort présents au début, il n'en est plus toujours ainsi lorsque les semaines, voire les mois ont passé. « Certains parents ont encore envie de parler de leur poupon ou bien de montrer les vêtements et les petits jouets qu'ils avaient choisis pour lui. Même s'il n'a pas vécu, ils sont souvent très fiers de cet enfant... Les groupes d'entraide viennent donc répondre à ce besoin », affirme Suzy Fréchette-Piperni, animatrice de ce groupe.
Ainsi, le groupe d'entraide Les rêves envolés permet aux parents en deuil de partager avec d'autres personnes vivant la même situation. En racontant leur histoire et en écoutant les témoignages des autres, ils arrivent à mettre des mots sur les émotions qui émergent et le fait de comprendre ce qu'ils ressentent les aide à évoluer dans le processus.
Comment se déroule une séance dans ce groupe ?
Tous assis autour d'une grande table, les participants échangent et amènent des réflexions sur un thème spécifique, suggéré par les animateurs. Le contact entre les membres du groupe s'établit facilement parce qu'ils ont tous en commun la douleur de la perte. « Dans un groupe, personne ne se sentira mal à l'aise si quelqu'un pleure. C'est pour cela qu'un groupe d'entraide constitue un endroit où l'on peut vivre son deuil à son rythme, entouré de gens qui comprennent notre situation », souligne Suzy Fréchette-Piperni. Parmi les thèmes abordés pendant les séances, on retrouve les émotions vécues dans le deuil, comme la colère ou la culpabilité, les difficultés dans le couple, la grossesse suivante ou le temps des Fêtes. Ensuite, les parents racontent leur histoire à tour de rôle et expliquent aux autres où ils en sont rendus dans leurs processus de deuil. Comme il s'agit d'un groupe ouvert, les gens peuvent venir quand ils veulent selon leurs besoins, et les rencontres se tiennent tous les mois, à Pierre-Boucher. Le service n'est d'ailleurs pas exclusif à la clientèle de ce centre hospitalier.
Ainsi, bien que beaucoup de gens aient du mal à admettre la tragédie du deuil périnatal, d'autres, au contraire, ne ménagent aucun effort pour venir en aide aux parents dont les rêves s'envolent soudainement. Loin de s'en tenir uniquement à la période du deuil comme telle, le programme implanté au Centre Pierre-Boucher vise également à soutenir les parents dans une autre étape importante de leur vie, soit la seconde grossesse. « Les rencontres d'un autre groupe d'entraide, Les Nouveaux rêves, ont pour but d'aider les parents à poursuivre leur deuil du bébé décédé, à vivre plus sereinement la grossesse actuelle mais aussi, à se préparer à la vie avec un nouvel enfant. »
À la mémoire de nos petits anges
« Les premiers dimanches de mai, nous convions tous les parents qui ont perdu leur bébé à la chapelle de l'hôpital, afin de procéder à une cérémonie commémorative. Chaque année, nous recevons de 70 à 80 personnes. Environ 75 % d'entre eux sont des couples qui ont perdu un bébé par fausse couche, ce qui traduit très bien le besoin de rituel pour ce type de deuil », soulignait Mme Fréchette-Piperni.
Les Rêves Envolés
Centre Hospitalier Pierre-Boucher
1333, boul. Jacques Cartier Est
Longueuil (Québec) J4M 2A5
tél. : (450) 468-8111 poste 82309 (boîte vocale)
Des groupes de soutien pour les parents ayant perdu un bébé sont également présents dans plusieurs régions du Québec. Pour obtenir des renseignements sur les ressources disponibles, nous vous invitons à contacter le CLSC de votre région.
Par Christine Tremblay
Octobre 2004