Suite à une mort violente, l'entourage a un rôle important à jouer pour soutenir, guider, aider ou être présent tout simplement. Cette présence est d'autant plus importante que la mort violente suscite des deuils particuliers, si difficiles.
La mort violente est foudroyante. Elle frappe tel un ouragan que rien ne laisse présager. Le caractère absurde de ce drame plonge les proches de la victime dans un état de colère, d'injustice et d'inachevé. Il est d'ailleurs plus juste de parler de « reconnaître » que d' « accepter » lorsqu'on fait référence à une telle tragédie.
Dans la tête des endeuillés, les questions se bousculent : Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? A-t-elle senti sa mort venir ? Est-elle morte sur le coup ? Autant d'interrogations, d'autant plus douloureuses qu'elles demeurent sans réponse.
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La brutalité des adieux
Lorsqu'on accompagne un proche atteint d'une grave maladie, le caractère prévisible de sa mort nous prépare à vivre un deuil. Le choc du décès n'en n'est pas moins ébranlant, mais il est en quelque sorte amorti.
La mort brutale ne laisse pour sa part aucune possibilité de préparation, qu'elle soit psychologique ou matérielle. On n'a souvent jamais discuté avec le défunt de ses dernières volontés, ce qui rend les formalités entourant le décès encore plus difficiles à affronter. Alors qu'on est en état de choc, qu'on a du mal à admettre que la terre puisse continuer de tourner, organiser des obsèques devient extrêmement déchirant.
Il est bouleversant de réaliser qu'on n'a pas eu le temps de dire adieu à l'être cher, ou encore de régler certains conflits qui existaient peut-être dans notre relation avec lui; cette quantité possible de choses en suspens risque de rendre le chemin du deuil plus long et parfois plus difficile à traverser. « Un deuil soudain entraîne beaucoup de non-dit, de non-fini et de non-réglé qui sont lourds à porter », soutient Louise Bonin, directrice des communications à la Coopérative funéraire de l'Estrie. « Certaines personnes ne se pardonnent pas de n'avoir pas dit à l'être disparu à quel point elles l'aimaient. »
Colère et culpabilité
La mort violente ne s'inscrit pas dans l'ordre naturel des choses et engendre souvent une lourde charge de colère. Plusieurs endeuillés chercheront une cible ou un exutoire à l'agressivité qu'ils ressentent. Ce sera vers Dieu ou vers le destin, vers un conducteur ou encore vers eux-mêmes que cette colère sera dirigée. « La colère que l'on peut vivre face à un chauffard ivre ou face à quelqu'un qui a commis une grave maladresse est difficile à soutenir. Comme le pardon fait partie du cheminement normal d'un deuil, son déroulement s'en trouve forcément retardé », affirme Louise Bonin.
Il arrive que cette culpabilité soit déclenchée par le simple fait d'être vivant. Mais ce sentiment est à son comble lorsque l'endeuillé a l'impression qu'il aurait pu faire quelque chose pour empêcher le drame. Il est alors possible qu'il en vienne à se considérer indigne de vivre, à regretter de n'être pas mort à la place du défunt. La culpabilité et la colère, bien qu'elles soient toutes les deux des émotions normales, risquent de devenir des éléments perturbateurs et d'entraîner l'endeuillé dans un deuil complexe. Il est alors souhaitable, afin d'éviter la dépression, de consulter un professionnel.
L'importance de la pénible vérité
Lors d'un départ brutal, la réalité prend soudain des allures de cauchemars. Il n'en demeure pas moins qu'affronter cette terrible vérité soit préférable à la nier de façon prolongée. En ce sens, poser des questions aux policiers ou aux premiers secours intervenus permettra à l'endeuillé de connaître les circonstances exactes du drame.
Voir le corps de la victime, lorsque c'est possible, peut également être un geste positif à poser. Il est certes bouleversant de se retrouver face au corps sans vie d'une personne aimée, à plus forte raison s'il est défiguré. Mais la visualisation du corps permet de rendre la perte plus réelle et de traverser la phase du déni. Pour les protéger du choc, l'entourage suggère parfois aux proches de ne pas voir la dépouille. Il revient à chacun de voir s'il a en lui les forces nécessaires pour traverser cette épreuve.
Tous les éléments concrets, aussi pénibles soient-ils, sont favorables à un meilleur déroulement du deuil. S'il connaît la vérité, l'endeuillé aura la possibilité de visualiser le drame. Même si ce travail de reconstitution peut sembler lugubre, il permet à l'endeuillé de stabiliser sa version personnelle de la mort, ce qui pourrait l'aider à se défaire des visions qui le hantent.
Profondément ébranlées par la mort violente d'un être cher, certaines personnes trouveront pénible de continuer à aller de l'avant. À quoi bon faire des projets puisque la vie est si fragile et la mort tellement absurde ? Le danger est alors d'en arriver à perdre toute confiance en l'avenir. Extrêmement désillusionnées, ces personnes pourraient se fermer jusqu'à développer de l'amertume et de la dureté face à l'existence.
Le deuil suite à un décès violent est très intense et particulièrement long à traverser. Il est souvent nécessaire de chercher de l'aide extérieure. L'endeuillé peut se tourner vers son entourage, mais il ne doit pas hésiter à consulter un professionnel. Ce dernier sera en mesure d'apporter un soutien psychologique et une écoute attentive, aussi longtemps que cela sera nécessaire.
La mort violente laisse derrière elle des endeuillés face à une bataille gigantesque à livrer : celle de trouver un sens à l'avenir.
Par Marie Ferland et France Denis
Publié dans la revue Profil
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Sources :
COTTIN, France « La mort violente, le combat de ceux qui restent », Revue Passage (Paris), N°8, Été 1999.
RÉGNIER, Roger. La perte d'un être cher, Outremont, Éditions Québecor, 1993, 206 p.
MADD Canada. « Nous aussi nous souffrons – Un guide pour les frères et les sœurs adultes en deuil ».
Références :
Centre d'Aide aux Victimes d'Actes Criminels (CAVAC)
Pour savoir s'il existe un de ces centres dans votre région, consultez le Web ou l'annuaire téléphonique des Pages jaunes à la rubrique « Centres d'aide ».