Le deuil animalier
La bienveillance n’a pas de limites
L’homme ne parlait pas. À l’écart des autres participant.es, il écoutait intensément - ça se voyait. Soixantaine avancée, manteau et casque malgré la chaleur, il fixait la présentatrice mais pas un mot, pas une larme. La discussion portait sur le deuil : perte récente d’un conjoint, décès d’un enfant atteint du cancer, incapacité d’assumer la solitude...tout y passait, détresse face à l’inconnu...Mais lui, pourquoi était-il là? Quel secret restait tapis dans sa parole retenue?
Soudain, en fin de session, voilà que l’homme lève timidement la main et d’une voix presqu’imperceptible, déclare: « Je n’ai pas osé parler car le chagrin qui m’a poussé à m’inscrire à cette rencontre n’est pas comme les vôtres. Vous voyez, il y a deux semaines, j’ai perdu mon chien, mon compagnon depuis 15 ans, mon confident, mon ami, le seul. J’ai dû le faire euthanasier et depuis, la culpabilité me ronge le coeur, et l’âme. Je suis ravagé par la tristesse. Je ne vois pas comment je parviendrai à combler le vide qu’il a laissé dans ma vie.
La rencontre s’est poursuivie quelques minutes, avec des expressions de sympathie sincères mais un tantinet maladroites, des mots de soutien, puis, nous nous sommes quittés à l’heure prévue puisqu’il le fallait.
Oui mais...Il n’y a pas d’heure prévue pour la guérison, pas de date au calendrier. Il n’y a pas de pilule pour contrer la solitude, ni pour effacer le sentiment de honte qu’éprouve la personne dont le chagrin semble démesuré à côté de celui d’un veuf ou d’une mère éplorée par le décès de son enfant.
Cet homme, son chien est mort, pour vrai! Comme tant d’autres, il soignait son chien, le cajolait, le gâtait, lui parlait! Il se sentait utile et jouissait du regard attendrissant de son compagnon qui lui, ne le jugeait jamais.
Pitou ou minou, perroquet ou gerbille...le deuil frappe dur. Vous ne comprenez pas trop? Moi non plus je ne comprenais jusqu’à ce que cet homme ni vu ni connu croise mon chemin.
Une collègue racontait que personne n’a vécu avec elle aussi longtemps que son chien. César a essuyé avec elle les larmes du divorce, a pleuré avec elle la mort de son père tout comme le départ des enfants pour l’université. Alors voila, j’ai compris. Douleur, deuil, le vide intolérable qui persiste..., c’est réel lorsque meurt son animal de compagnie.
Comment soutenir les personnes affligées? Comme s’il s’agissait du décès d’un être cher humain? Pourquoi pas puisqu’elle souffre! Vous craignez d’être maladroit...de manquer de sincérité? Tenez-vous -en alors à la bonne vieille recette: sim-pli-ci-té. Écoute, empathie, ouverture à l’autre, sincérité...c’est tout. Et sans doute la personne attristée n’en demande-t-elle pas plus.