Après le décès de leur mère, les trois enfants de Mme Généreux ont décidé de lui offrir un dernier cadeau : lui permettre de poursuivre, à titre posthume, l'œuvre qu'elle avait toujours soutenue de son vivant. Avec l'aide de la Fondation communautaire du grand Québec, ils ont créé le fonds Emma-Généreux qui, chaque année depuis, remet plusieurs centaines de dollars à l'organisme charitable que la défunte affectionnait tant.
Pour être fictif, cet exemple n'en représente pas moins un cas typique des fondations in memoriam que de plus en plus de familles mettent sur pied pour honorer la mémoire d'un proche disparu. « Il ne s'agit pas nécessairement de familles fortunées, précise Nataly Rae, directrice générale de la Fondation. Avec 5 000 $, elles peuvent créer un fonds qui rapportera quelques centaines de dollars à l'organisme ou à la cause de leur choix, et ce, chaque année, à vie, sans jamais entamer le capital. »
Une fondation de fondations
La Fondation communautaire du grand Québec – l'une des cinq qui existent dans la province – est un organisme à but non lucratif, créé par Centraide en 1993 pour favoriser le développement communautaire par le biais de la philanthropie. C'est en quelque sorte une fondation de fondations, qui gère un actif de plus de 10 millions $ répartis dans 210 fonds que lui confient aussi bien des entreprises et des organismes que des familles et des individus. Plus de 10 % sont des fonds in memoriam constitués après le décès de la personne. « Et c'est là une tendance à la hausse », assure Mme Rae.
Il peut s'agir de fonds créés spontanément par les proches du défunt, comme dans notre exemple du début. C'est une façon de rendre hommage à la personne décédée qui, même après sa mort, va continuer d'appuyer une cause qui lui tenait à cœur.
Cela peut également prendre la forme d'un don planifié, par le biais d'un legs testamentaire. Dans ce cas, une personne décide, de son vivant, de léguer elle-même une somme à la Fondation en faveur de l'œuvre de son choix, après sa mort. Ce legs est inscrit dans le testament au même titre que le reste de l'héritage. Dans bien des cas, note Mme Rae, le donateur a déjà créé son fonds depuis longtemps et y a contribué de façon régulière. Le legs ne vient alors qu'ajouter un dernier montant au capital constitué jusque-là.
Enfin, le don peut se faire par l'entremise d'une fiducie. Par exemple, une personne a confié son héritage à une société de fiducie qui est chargée de pourvoir aux besoins du conjoint et des enfants jusqu'à leur mort, après quoi, le montant résiduel sera versé à la Fondation.
Dans tous ces cas, les parents et amis de la personne décédée peuvent être invités, dans la notice nécrologique du journal, à contribuer au fonds, en témoignage de sympathie. Des représentants de la Fondation pourront alors se rendre au salon funéraire ou à l'église remettre des enveloppes et un dépliant explicatif aux personnes présentes.
En argent ou autrement
Pour la création d'un fonds, les dons peuvent se faire en argent, en biens immobiliers ou culturels (œuvres d'art entre autres) ainsi qu'en valeurs mobilières (actions, fonds de placement, REER...). De plus en plus souvent, on les fait aussi avec une assurance-vie (capital décès ou valeur de rachat) souscrite au bénéfice du fonds.
Tous les fonds procurent des avantages fiscaux aux donateurs, mais l'un des véhicules les plus avantageux sur ce plan est certainement l'assurance-vie, selon Mme Rae. « Si, de mon vivant, je souscris une assurance au profit de mon fonds, explique-t-elle, toutes mes primes annuelles seront déductibles d'impôt, en vertu d'un reçu de charité émis par la Fondation. Et si je décide de ne léguer mon assurance qu'au décès, ma succession recevra un reçu de charité pour le montant complet du capital à être versé au fonds. »
Qui peut être bénéficiaire de ce fonds ? Tout organisme reconnu par Revenu Canada. Le fonds ne peut donc pas être établi au profit d'un individu. Comme la Fondation vise le développement du milieu, les organismes généralement retenus œuvrent localement dans les domaines des arts, de la culture, de l'action communautaire, de l'éducation, de la santé ou de l'environnement. Quelques exemples : l'orchestre symphonique de votre région, une paroisse, une fondation d'hôpital, la Société québécoise du cancer, ou Centraide.
Le fonds peut soutenir un organisme spécifique, comme il peut venir en aide à une cause, plus largement. Par exemple, le fonds Lucie et Phil Latulipe encourage la participation de personnes handicapées aux activités sportives.
L'organisme aidé peut alors être différent d'une année à l'autre, et le choix laissé à la Fondation. Dans ce cas, celle-ci effectue une recherche pour trouver celui qui correspond le mieux aux attentes des donateurs. Et avant d'y engager le moindre sou, elle en fait une analyse détaillée pour en connaître le sérieux, la fiabilité et la santé financière.
« Dans bien des cas, nous nous rendons auprès de l'organisme avec les membres de la famille pour remettre un premier chèque. Cela donne lieu à des scènes riches en émotion, témoigne Mme Rae. C'est là qu'on voit que donner, ça fait du bien. » La participation active de la famille n'est cependant pas obligatoire, puisque c'est la Fondation qui assure la gestion du fonds, et ce, à perpétuité. Ainsi, lorsque meurt un donateur qui n'a pas d'héritiers, sa volonté continue d'être honorée par la Fondation : les revenus du fonds seront toujours attribués annuellement.
Des investissements éthiques
Les trois gestionnaires de portefeuilles auxquels la Fondation a confié ses 10 millions $ d'actifs investissent à 60 % dans des actions et à 40 % dans des placements à revenus fixes. « Nous leur demandons d'être le plus éthique possible dans leurs choix de placements, confie la directrice générale, et ils nous garantissent un portefeuille à 98 % éthique. D'ailleurs, tous nos donateurs peuvent rencontrer les gestionnaires lors d'une réunion que nous organisons une fois par année, et leur poser toutes les questions qu'ils désirent. »
Depuis 10 ans, le rendement moyen de ces investissements a été de 10 %, un taux qu'il serait difficile d'obtenir pour un petit investisseur seul. Avec la mise de fonds minimale de 5 000 $, la famille du défunt est donc en mesure de remettre à l'organisme qu'elle appuie environ 400 $ annuellement, une fois retenus les frais de gestion par la Fondation. Pour la plupart des organismes, selon Mme Rae, une personne qui verse un tel montant entre dans la catégorie des « grands donateurs ».
Il n'est donc pas surprenant que la Fondation soit en pleine effervescence. D'ailleurs, elle n'est plus seule au Québec. Depuis sa création, en 1993, quatre autres fondations communautaires ont été mises sur pied : à Montréal voilà cinq ans, en Gaspésie il y a deux ans, à Trois-Rivières et à Sherbrooke, tout récemment.
Comment créer un fonds ?
Comment créer un fonds avec la Fondation communautaire du grand Québec ? Rien de plus simple, selon la directrice générale, Nataly Rae. Il suffit de se présenter à la Fondation sur rendez-vous – (418) 521-6664 poste 225 – pour préciser ses intentions philanthropiques. Une fois le projet élaboré, les deux parties signent une convention (simple document de deux pages) et, dès le dépôt d'un montant initial et sur approbation du conseil d'administration, le fonds devient une entité.
Une caution morale
Outre son conseil d'administration, la Fondation communautaire du grand Québec est guidée par un Bureau des Gouverneurs, qui lui sert en quelque sorte de caution morale. Les Gouverneurs sont des personnalités qui occupent certains postes publics importants dans la communauté : juge en chef du Québec, directeur général des élections du Québec, archevêques des églises catholiques et anglicanes de Québec, président de l'Université du Québec, Lieutenant-Gouverneur, etc. S'il advenait que le conseil d'administration soit dissout, les titulaires de ces postes à ce moment auraient à assurer la relève en poursuivant l'œuvre de la Fondation jusqu'à ce qu'elle soit remise à flots.
Fonds SVP Gilbert Lacasse
Le Fonds SVP Gilbert Lacasse a pour objectif de lutter contre la pauvreté particulièrement en venant en aide aux groupes qui s'occupent d'alphabétisation. Le fonds a notamment permis de venir en aide aux organismes Alpha-Québec et Atout-Lire.
Fonds Line Boisvert
Madame Line Boisvert a créé son fonds quand elle apprit qu'elle souffrait du cancer. Son fonds a été comblé par un legs testamentaire.
Le Fonds Line Boisvert remet des bourses pour favoriser le développement des arts et plus particulièrement de l'aquarelle.
Le Fonds SVP Line Boisvert soutient des programmes d'initiation à l'art pour des enfants de milieux défavorisés.
Fonds Famille Gagnon Gilbert
Le Fonds de la Famille Gagnon Gilbert a été créé par Huguette Gagnon et son mari, François Gilbert. Ces parents inspirants tenaient à ce que leurs cinq enfants intègrent la philanthropie à leur vie, et ce, dès leur jeune âge.
Les enfants prennent donc annuellement les décisions relativement aux subventions versées à partir du fonds.
Fondation Marie Bélanger
En mars 1992, décédait madame Marie Bélanger, mère de trois filles dont Diane Bélanger, directrice générale de Zoom Média à Québec.
Marie Bélanger a vécu dans des conditions modestes toute sa vie. Malgré cela, elle a su donner de riches valeurs à ses filles, Louise, Johanne et Diane. Elle les a élevées dans la dignité, le respect et la générosité. À son décès, quelle ne fut pas la surprise des enfants de recevoir chacune 5 000 $ en héritage de leur mère.
Diane Bélanger désirait utiliser cet argent pour créer une fondation à la mémoire de sa mère. Par le biais de la Fondation Zoom Média, elle fut mise en contact avec la FCGQ. Son projet pouvait prendre forme. Grâce aux services offerts, tout devenait simple, accessible et réalisable.
Avec son mari Jacques R. Gingras et ses deux filles Anne-Isabelle et Sophie, elle a ainsi mis sur pied la Fondation Marie Bélanger. Elle a pu enfin rendre hommage à sa mère en créant un fonds qui perpétuera à jamais la mémoire et la générosité de cette femme.
Par Serge Beaucher
Avril 2006