Comment se comporter au salon funéraire

Mon grand-père est décédé alors que j'avais une dizaine d'années. Ce fut mon premier deuil important. Cela remonte à bien longtemps maintenant, mais je m'en souviens encore très bien. À cette époque, les funérailles avaient une seule couleur : le noir. Et les enfants n'étaient pas les bienvenus au salon funéraire, à ma grande tristesse.

Comme grand-père était très cher à mon cœur, je tenais sincèrement à lui faire mes adieux. Bravant l'interdit de ma mère qui m'avait demandé de rester sagement à la maison, je mis la robe préférée de mon grand-père, garnie de fleurs et de soleil, pour aller le saluer une dernière fois. Ne connaissant pas l'importance du code vestimentaire en vigueur en pareille circonstance, ma tenue créa tout un émoi et fut interprétée comme un flagrant manque de respect. On me fit comprendre qu'on ne soulignait pas le départ d'un être cher de la même façon qu'on assistait à une fête, surtout quand on n'était pas invité. Bref, personne ne sembla comprendre le sens de ma démarche et je fus quitte pour un bon traumatisme.

Aujourd'hui, en matière de convenances, bien des choses ont changé, mais une chose demeure toujours aussi importante : le respect. Manquer de respect au défunt ou à la famille endeuillée peut avoir des conséquences fâcheuses, je peux en témoigner. Comme le respect se traduit différemment d'une génération à l'autre, ou d'une culture à l'autre, certaines personnes préfèrent se tenir loin des obsèques afin d'éviter de dire des bêtises ou de se mettre les pieds dans les plats. C'est bien dommage car, par leur retrait, ils s'empêchent de prendre part à un événement majeur marquant, c'est-à-dire accompagner quelqu'un qu'on aimait à son dernier voyage.

Il est vrai que savoir comment se comporter lors de funérailles n'est pas toujours évident. Surtout de nos jours, où la limite de ce qui est acceptable est parfois très près de celle du mauvais goût. Les personnes endeuillées sont dans un état de vulnérabilité et, parfois, une simple maladresse peut prendre des proportions regrettables. Alors, pourquoi risquer de blesser une personne qui a déjà le cœur à vif quand la délicatesse est à portée de main?

C'est pourquoi il y a avantage à connaître les conventions en vigueur si on veut que notre présence soit reçue comme un baume en des moments où chaque geste de soutien compte beaucoup.

Savoir se distinguer par une présence de qualité

Les condoléances doivent être présentées autant que possible dès l'arrivée; ce serait manquer de délicatesse que de faire le tour de ceux qu'on n'a pas vus depuis longtemps avant d'en venir aux principaux intéressés.

Bien choisir ses mots est important, mais ils doivent surtout être sincères et venir du cœur. À ce stade, personne n'attend de discours éloquents, alors on peut tout simplement dire qu'on a de la peine... que la nouvelle nous a bouleversée... qu'il va nous manquer. En fait, il s'agit surtout d'exprimer à l'endeuillé que nous compatissons avec son chagrin. Si on a peur d'être maladroit, prendre quelques minutes avant d'arriver afin de se recentrer sur ce que l'on souhaite exprimer, aide beaucoup et évite les phrases vides de sens.

Quand on ne trouve pas les mots pour exprimer notre affliction et qu'on opte pour la formule « je ne sais pas quoi te dire », on place l'endeuillé dans une situation où il se sent presque obligé de nous rassurer. Il va de soi que parfois, c'est mieux de ne rien dire plutôt que d'y aller avec une blague insipide pour détendre l'atmosphère. D'autant plus que ne rien dire peut aussi avoir sa place quand la douleur dépasse l'entendement. Un regard qui dit tout ou une main tendrement posée sur une épaule peuvent tout autant démontrer votre compassion.

L'expression du chagrin est tout à fait appropriée, à la condition qu'on ne se serve pas du contexte pour déverser une émotion liée à un autre événement. Par exemple, une dame me racontait qu'aux funérailles de son père, une belle-sœur s'était présentée à elle en larmes parce que son médecin venait de lui apprendre qu'elle avait des problèmes de santé. Dès lors, les rôles furent inversés et c'est la dame endeuillée qui fit office d'épaule consolante, ce dont elle aurait pu se passer.

Après la période consacrée aux condoléances, on se retrouve fréquemment en groupes à discuter de choses et d'autres. Le ton peut monter et les éclats de rire sont assez fréquents dans un salon funéraire. C'est normal. Les gens ont besoin de se libérer d'une tension par le rire et il n'y a rien de méchant dans ce comportement. Toutefois, si vous vous apercevez que la famille endeuillée est en train de se recueillir près du défunt et que vos échanges tranchent catégoriquement avec le chagrin qui s'y vit, de grâce, gardez une certaine retenue. J'ai un ami qui m'exprimait la colère qu'il avait ressentie quand, à la mort de sa mère, les gens discutaient joyeusement alors que lui et ses frères étaient accablés de tristesse. L'envie de tous les mettre à la porte lui passa à l'esprit, bien qu'il se limita à n'intervenir que par le partage visible de sa douleur.

Il peut arriver que vous souhaitiez déposer une fleur, une lettre ou toute autre chose dans le cercueil à l'attention du défunt. Avant d'en prendre l'initiative, vérifiez auprès de la famille afin d'avoir leur autorisation. Ce n'est pas que le geste soit mal en soi, mais il y a une règle tacite qui veut que ce genre d'attention soit réservé aux proches parents.

Quand on connaît peu ou pas le défunt, on se tient plus en retrait afin de laisser la place à ceux qui le connaissaient et qui souhaitent s'en approcher. Généralement, l'espace autour du défunt est réservé au recueillement et n'est pas indiqué pour une discussion animée.

Il est de plus en plus courant de voir des enfants de tout âge se joindre aux adultes lors de rituels funéraires. C'est très sain pour eux d'avoir la possibilité de participer à de tels événements. Une fois la surprise du premier contact passée, les enfants désirent souvent retourner à leur jeu. Prévoyez leur apporter de quoi les occuper dans un coin tranquille afin d'éviter qu'ils ne deviennent trop dissipés.

Bien que la tenue vestimentaire soit maintenant plus libre qu'avant, il va de soi que la plupart des gens s'entendent pour s'habiller avec plus d'attention qu'à l'ordinaire lors des funérailles. Se mettre sur son trente-et-un, c'est une façon de dire « regarde, je me suis fait beau par égard pour toi ». Bien sûr, on ne parle pas ici de tenue de soirée ni de décolleté plongeant. La sobriété est toujours de mise quand on côtoie le chagrin.

Pour une raison où une autre, certaines personnes choisiront de ne pas aller aux obsèques et d'offrir leur soutien autrement. L'envoi d'une carte choisie avec soin est préférable à un courriel d'aspect plus froid. Il en va de même pour un message laissé sur un répondeur ou une boîte vocale; s'il n'y a personne à la maison, rappelez une autre fois. L'envoi de fleurs ou les dons effectués à des fondations sont toujours de circonstance, mais rien de vous empêche d'emprunter un chemin différent. Il m'est arrivé de voir livrer au lieu des obsèques une photo inédite du défunt qu'on avait pris soin d'encadrer. Une note décrivant les circonstances avait été jointe à l'envoi ainsi qu'une fleur pour l'endeuillée.

Prendre le temps de s'arrêter pour trouver la meilleure façon d'offrir ses condoléances démontre que l'on est sensible à la douleur de l'autre et que l'on souhaite lui apporter un peu de réconfort. Mais croyez-en l'expérience de ceux qui vivent un deuil, bien peu de choses valent la présence des proches ou un regard empreint de sollicitude quand on a du chagrin. Alors si vous avez le choix, ne vous privez surtout pas d'être à leur côté.

Texte : Maryse Dubé
Publié dans la revue Profil - Printemps 2008

La mort, le plus grand des mystères