Cinq fausses croyances au sujet du deuil

La perte d'un être cher est une épreuve qui nous attend tous un jour ou l'autre. Plusieurs croyances erronées concernant la meilleure façon de vivre un deuil peuvent toutefois contribuer à prolonger ou accentuer certains effets troublants. Savoir distinguer les « mythes » véhiculés par son entourage permet d'éviter de tomber dans les pièges qui se tendent... souvent de bonne foi. En voici quelques-uns que l'on retrouve encore fréquemment.

1. Le deuil d'un être cher est plus facile à vivre quand le décès était prévisible que lorsqu'il s'agit d'une mort subite.

La mort subite nous apprend que ceux qu'on aime peuvent disparaître en un instant. Nos repères habituels partent à la dérive et les moyens de se préserver sont paralysés. Le temps qu'il faut habituellement pour amortir le choc nous fait défaut et on est frappé brutalement par la perte.

Contrairement à un deuil brutal, une mort prévisible permet à la personne endeuillée de l'anticiper, donc de mieux s'y préparer. Néanmoins, vivre ce terrible sentiment d'impuissance devant la souffrance de l'être aimé, avoir à prendre des décisions médicales concernant l'arrêt de traitements, faire face à plusieurs autres pertes en cour de route, ou encore être témoin de la dégradation physique et psychologique d'une personne qui nous est chère peut devenir une épreuve dévastatrice.

Ce qu'il faut surtout retenir, c'est que dans un cas comme dans l'autre, ce sont les derniers instants de vie, les circonstances du décès, le lien que l'on entretenait avec le défunt et l'impact sur le quotidien qui déterminent la difficulté à vivre un deuil.

2. Un enfant en bas âge ne comprend pas la mort, autant ne pas lui en parler, ça pourrait le traumatiser.

Les enfants sont sensibles aux émotions, au langage non verbal, de même qu'aux changements qu'ils perçoivent dans leur entourage. Il est inutile de leur dissimuler la vérité ou de les mettre à l'écart sous prétexte qu'ils sont trop jeunes pour comprendre ou qu'ils seront traumatisés. Néanmoins, en tenant compte de l'âge, il peut être nécessaire d'adapter son langage et il n'est pas toujours souhaitable de donner tous les détails bouleversants.

3. Le temps arrange les choses. Nul besoin de s'investir dans un « travail de deuil ». Il suffit de laisser la vie suivre son cours et de se tourner vers l'avenir.

Le temps est un allié lors d'un deuil important. Mais à lui seul, il ne règle pas tout. Nul ne peut faire l'économie de la douleur. L'endeuillé aura à travailler fort sur lui-même avant d'envisager l'avenir avec sérénité. « Faire son deuil, c'est s'atteler à mobiliser toutes les ressources disponibles, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de soi, pour permettre la mise en œuvre de ce processus de cicatrisation psychique. Le travail du deuil fait mal, mais cette douleur a un sens ; elle vise à l'apaisement du cœur. »1

4. Parler de la personne décédée avec les proches endeuillés est malsain et n'apporte que des tourments. Sans oublier que cela n'aide aucunement à tourner la page.

L'endeuillé a besoin de savoir que l'être cher ne tombera pas dans l'oubli. Lui permettre d'en parler l'aide à réaliser la perte subie. Ça lui permet aussi de s'ajuster graduellement à sa nouvelle situation et à l'environnement sans la personne décédée. Dire et redire les traits particuliers du défunt ou encore l'attachement qu'on lui portait, amène également un cortège d'émotions salutaires à l'évolution du deuil.

5. Être affecté par le deuil démontre qu'on a une certaine fragilité psychologique. La force intérieure se traduit par la capacité à ne rien laisser paraître quand on souffre.

Ne rien laisser paraître demande de l'énergie et n'aide pas à l'évolution du deuil. La véritable force se traduit par la capacité à affronter les bouleversements intérieurs en recourant au soutien nécessaire. Il est tentant de vouloir prendre des raccourcis afin d'éviter la souffrance. Cependant, il n'en existe pas. La seule façon de passer à travers le deuil est de vivre pleinement la souffrance et les émotions qui s'y rattachent.

En conclusion, précisons que le deuil n'est pas une maladie, donc il n'est pas à guérir. Le deuil n'est pas non plus un problème, donc il n'est pas à résoudre. Toutefois, le deuil peut poser problème, mais dans 95% des cas, il n'a besoin que de l'aide des proches ou du support d'un groupe d'entraide2. Ce n'est pas l'affaire de spécialistes, même si l'apport de ces derniers peut être nécessaire pour soigner les 5% (ou 10% selon certains auteurs) qui ont besoin d'une aide spécialisée.

Texte : Maryse Dubé
Photo : Pixabay
Publié dans la revue Profil

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  1. Christophe Fauré, Le grand livre de la mort à l’usage des vivants, Albin Michel, 2007.
  2. Michel Hanus, Les deuils dans la vie. Deuils et séparations chez l’adulte et chez l’enfant, Paris, Éd., Maloine, 1994, p. 22.
Éric Godin - Marcher lentement et façonner le temps