Contrairement aux marchés financiers et boursiers, le marché funéraire ne connaît pas de baisses ou de fluctuations majeures. Au contraire, le marché est à la hausse pour plusieurs années à cause de la progression du nombre des décès, jusqu'en son point culminant en 2060. Au pays, le nombre de décès passerait de 375 400 en 2010 à près de 487 000 en 2060.
C'est cette perspective d'une hausse constante du nombre des décès au Québec et au Canada qui a incité des multinationales américaines à venir s'établir au Québec dans les années 90 en achetant à fort prix les maisons funéraires indépendantes. L'objectif était vraisemblablement de faire du profit dans un marché en pleine expansion en achetant les concurrents au lieu de pratiquer une baisse des prix pour occuper le marché.
Coops
Toutefois, ces entreprises cotées en Bourse ou dirigées par des intérêts américains ont eu une surprise sur leur route : les coopératives funéraires. Si les gros joueurs peuvent acheter les petits entrepreneurs, il n'est pas possible d'acheter une coopérative. Les coops venaient de bloquer les projets d'expansion des grands groupes américains.
«Depuis 20 ans, les coopératives funéraires gagnent des parts de marché», soutient en entrevue Alain Leclerc, directeur général de la Fédération des coopératives funéraires du Québec, qui tiendra son congrès à Lévis en fin de semaine. «Si le nombre de décès croît de 1 % par année, les parts de marché des coopératives augmentent de 5 %.»
Il précise que les coopératives funéraires sont bien implantées dans toutes les régions du Québec. Il y a récemment eu fermeture de la coop en Gaspésie, mais c'est le groupe de Rimouski qui prendra le relais. «La situation était plus difficile en Gaspésie, qui compte de nombreuses petites communautés, mais il est encore plus économique de faire incinérer un corps à Rimouski qu'utiliser les services de la compagnie privée locale.»
Dans la région de Montréal, le secteur privé occupait pratiquement tout le marché. Une première coop a été créée il y a moins de deux ans sur l'île. Une autre a vu le jour à Laval, il y a un an, et une troisième vient tout juste de commencer ses opérations dans le secteur de Saint-Jérôme.
Dans plusieurs régions du Québec, les coopératives ont été le dernier rempart contre les monopoles du secteur privé. «Dans une soixantaine de villes, ajoute M. Leclerc, si les coopératives n'étaient pas là, il y aurait des monopoles des entreprises privées propriétés de capitaux québécois ou étranger. Ce fut le cas dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean avec le rachat des centres funéraires par les entreprises américaines, mais la population s'est mobilisée et plusieurs coopératives ont été mises sur pied en peu de temps.»
Coûts à la baisse
Statistiques à l'appui, M. Leclerc démontre que le coût des funérailles a diminué au Québec à cause des coopératives funéraires. Cette année, estime-t-il, c'est une économie de plus de 15 millions $. La compétition a dû ajuster ses prix, car il n'y a pas de partage de territoire avec une coopérative, alors que des entrepreneurs privés peuvent éviter d'être en compétition en se divisant des secteurs.
En quelques années, le prix des funérailles au Québec est devenu moins élevé que dans le reste du Canada. En 2004, par exemple, le prix moyen des funérailles était de 6325 $ au Canada, de 5698 $ au Québec et de 3677 $ dans les coopératives.
«Une coopérative n'est pas là pour faire des profits avec la mort de quelqu'un, affirme M. Leclerc, c'est un système de valeur que nous mettons en place dans le respect des rites funéraires. Nous avons aussi un volet éducation et un support à la famille dans le deuil.»
Au Québec, il y a 25 coopératives funéraires. Il en existe 15 autres au Canada, principalement dans les Maritimes, et 11 d'entre elles sont membres de la Fédération des coopératives funéraires.
Depuis quatre ans, la Fédération a décidé de s'ouvrir sur le reste du pays. «Nous travaillons avec des groupes dans d'autres villes canadiennes, Vancouver, Winnipeg, Regina, Calgary, Ottawa et dans la vallée du Niagara, pour fonder d'autres coopératives en sensibilisant les gens aux avantages du modèle développé au Québec.»
En regroupant les différentes coopératives funéraires au pays et en aidant à la création d'autres groupes, la Fédération aura un impact plus grand sur le marché funéraire canadien pour les consommateurs devant l'expansion des grandes entreprises multinationales alimentées par des capitaux américains.