Le deuil chez les adolescents se distingue de plusieurs façons de celui des adultes, notamment par la manifestation de leurs rituels d’adieu. « Et c’est tant mieux », soutient Nicole Morin, bénévole à la Fondation québécoise du cancer et détentrice d’un diplôme en études de la mort. Psychologue dans un Cégep durant plusieurs années, elle collabore actuellement à monter des groupes d’entraide pour les adolescents. « L’important, lors d’un deuil, ce n’est pas le rite lui-même, c’est sa signification pour l’adolescent. Le rite représente le temps qu’on prend pour réaliser la perte, pour recevoir du support et saluer l’ami disparu. Peu importe le moyen qu’ils utiliseront pour vivre ces émotions, il est important de le respecter ».
Il en va de même pour tout le processus du deuil, souvent vécu différemment chez les adolescents. Déjà propices à la révolte et à l’émotivité, les adolescents qui ont perdu un proche peuvent vivre cette expérience de façon plus impétueuse. « La mort est déjà un sujet tellement tabou chez les adultes, imaginez chez les jeunes. Il y a un déni de la mort à l’adolescence; on se sent invulnérable à cet âge. Quand arrive la mort dans leur entourage, les jeunes peuvent ressentir de la difficulté à partager leurs émotions. Ils ont moins conscience de l’importance d’aller chercher de l’aide ».
Et ce qui vient compliquer les choses, l’adolescence est en soi une étape difficile, souvent compliquée par des relations conflictuelles avec les parents. « Quand survient la mort d’un parent dans ces circonstances, le jeune se sent coupable, ce qui vient compliquer le deuil. Mais ce n’est pas exclusif aux jeunes. La majorité des gens a l’impression de se retrouver devant une tâche inachevée quand arrive la mort d’un proche. Voilà pourquoi les groupes d’entraide proposent aux participants d’écrire des lettres aux personnes disparues. C’est une façon de libérer des choses, de passer à une autre étape ».
L’adolescent a aussi besoin de soutien
On accorde parfois moins d’attention à un adolescent qui vient de perdre un parent qu’au parent qui reste. L’adolescent aura tendance à s’isoler plutôt que de partager sa douleur. D’où la fausse impression qu’il en souffre moins. « Il y a un manque de connaissance de l’adolescence, soutient Nicole Morin. Combien de fois j’ai entendu “Il ne s’en souviendra plus la journée de ses noces”. Il y a une négation de sa douleur ». Trop souvent, on dit à l’adolescent d’être fort pour soutenir le parent qui reste. Sans savoir s’il survivra lui-même à cette dure épreuve, il se sent dans l’obligation de soutenir quelqu’un d’autre. « L’adolescent est déjà en travail de croissance physique et psychologique. On ajoute une autre pression en l’obligeant à guérir d’un deuil rapidement ».
D’où l’importance pour les jeunes de se retrouver au sein d’un groupe d’amis. « Un jeune sera davantage porté à chercher du support auprès des amis qu’auprès des parents, surtout si la famille est touchée par le deuil. Le phénomène de gang est important et les jeunes savent qu’ils y sont acceptés. Mais en même temps, ils ont peur d’être rejetés. Le mérite inverse de ce phénomène, c’est que la gang contribue au déni du deuil. On souhaite passer à autre chose ».
La façon dont les adultes réagissent à la perte d’un proche a un effet majeur sur la réaction des adolescents face à la mort. Parfois, les adultes ne veulent pas en parler, présumant à tort épargner la douleur aux jeunes qui les entourent. La réalité est toutefois très simple : protégés ou non, les adolescents vivent le deuil.
Nicole Morin lance un message à l’entourage des jeunes endeuillés : « Occupons-nous de la douleur de nos adolescents. Parfois, un parent en détresse n’est pas disponible pour soutenir le jeune. L’entourage (grands-parents, amis, professeurs, voisins) peut alors prendre le relais et jouer un rôle crucial. Les jeunes ne communiquent pas de la même façon; il faut parfois décoder. Le plus simple est d’aborder les choses simplement en demandant : Est-ce que tu as de la peine ? Il faut le rassurer sur ses émotions, lui dire qu’il ne faut pas avoir honte d’exprimer son chagrin. En lui manifestant qu’on l’aime, on peut aussi l’aider à parler, à dire sa douleur, à verbaliser le choc qu’il ressent ».
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Publié dans la revue Profil