Quand le deuil commence avant la perte

Les maladies mortelles telles le cancer et le sida sont la cause de plusieurs milliers de décès chaque année au Québec. Se remet-on moins difficilement de ces morts annoncées que de celles qui surviennent subitement? Puisque chaque mort, comme chaque vie, est unique, chaque deuil l'est également. Et si la vie met un deuil annoncé sur la route, les difficultés que l'endeuillé est appelé à surmonter sont également uniques.

Une relation qui change, inévitablement

La relation avec un proche qui vient de recevoir un verdict de maladie incurable connaîtra d'importants bouleversements durant la période, plus ou moins longue, de fin de vie du malade.

La personne atteinte vit de façon intime l'annonce de sa mort prochaine et son inclination à partager sa colère, ses angoisses ou sa douleur lui sont propres. Chaque personne qui accompagne le malade a également ses propres limites, tant physiques qu'émotives, à respecter. Les contacts humains qui, avant la maladie, rendaient la relation enrichissante pour les deux parties sont appelés à se modifier.

Selon la gravité et l'évolution de la maladie, il arrive que la personne atteinte soit de plus en plus diminuée physiquement. On pourrait alors la voir se désintéresser de tout ce qui ne concerne pas directement sa santé et ses besoins physiques. La personne qui l'accompagne aura parfois à faire son deuil de plusieurs facettes de cette relation bien avant que la mort survienne : des promenades, des discussions, des fous rires et mille autres choses qui enrichissent les contacts entre deux êtres humains et les rendent irremplaçables.

La difficulté à lâcher prise

À la phase terminale de la maladie, il arrive que la fatigue, l'inquiétude et la détresse provoquées par le contact avec une personne que l'on aime et qui souffre fassent en sorte que sa mort prochaine soit envisagée avec soulagement. Ces pensées sont souvent mêlées de honte et de culpabilité. L'accompagnant peut aussi être ambivalent à l'endroit de la personne mourante : il éprouve simultanément le désir de se rapprocher d'elle, mais aussi celui que la mort arrive au plus vite et abrège les souffrances du malade ainsi que sa propre détresse.

Il arrive également qu'un malade s'accroche à une vie faite d'incommensurables souffrances, car il sent que ses proches ne sont pas encore prêts à le laisser partir. Une mort inacceptable pour l'entourage peut prolonger longtemps la douleur d'une personne qui se meure. Mais lâcher prise est parfois trop difficile : il arrive que cela soit vécu comme un abandon du malade à sa douleur.

Comme une personne mourante peut nier jusqu'à la fin qu'elle est sur le point de mourir, un proche peut nier la mort imminente d'un être cher et s'accrocher à un espoir de guérison, réaliste ou non. À la suite du décès, on pourrait alors voir ces personnes endeuillées ne manifester, durant un certain temps, aucun signe de deuil. Le fait de ne pas vivre sa peine sur le moment aura pour effet de repousser sa venue, mais non de la faire disparaître.

Le caractère précieux de la vie

À partager avec elle les derniers moments de vie d'une personne atteinte d'une maladie incurable, on réalise souvent que les plaisirs du quotidien sont vraiment satisfaisants et enrichissants. Malgré la souffrance et l'immensité de la charge émotive, les instants présents prennent une grande valeur lorsque l'on sent la fin de la vie approcher. Chaque minute devient un cadeau unique à savourer pleinement.

Dans la douleur de cette perte à vivre, il y a aussi place à une grande intimité, empreinte de part et d'autre d'acceptation et de conscience de la préciosité de la vie, jusqu'au dernier souffle.

Le deuil périnatal : la douleur et l'isolement