La question de la planification funéraire n'est certes pas le sujet préféré des familles autour d'un bon repas. D'emblée, personne n'aime aborder la mort, encore moins ses implications financières. Mais qu'on le veuille ou non, la mort fait partie de la vie et il y aura toujours des actions à prendre et des coûts associés au décès d'une personne.
Pour plusieurs raisons économiques, psychologiques et familiales, plusieurs personnes vont choisir de signer un contrat préalable d'arrangements funéraires pour régler les frais de leurs funérailles à l'avance. Certains le font pour avoir une sérénité d'esprit, d'autres pour se mettre à l'abri de l'inflation, d'autres souhaiteront donner des indications claires à leur succession ou leur éviter des dépenses.
Peu importe la raison qui les motive, signer un contrat d'arrangements funéraires préalables a des implications qui dépassent souvent la personne qui le signe. Il est souhaitable bien sûr de donner des indications à nos proches, mais comment favoriser les funérailles qui répondront aussi aux besoins de notre famille? Quel est le rôle de la coopérative funéraire au moment du décès? Comment départager les volontés du défunt et les besoins de la famille?
« J'aime à dire qu'un contrat d'arrangements préalables est à la fois solide et flexible. souligne Jean-Guy Houle, directeur du développement à la Coopérative funéraire de l'Estrie. Il est solide, car celui qui le signe a l'assurance de recevoir les services et la qualité de produits qu'il a demandés. De plus, la loi nous oblige à verser 90 % du montant chez un fiduciaire. Les gens sont donc bien protégés. Mais il peut aussi être flexible. Le signataire peut indiquer qu'il laisse au liquidateur le choix de modifier certaines clauses du contrat au moment du décès. Ça permet de laisser la famille modifier le contrat selon les circonstances. On se retrouve avec une certaine flexibilité, tout en assurant la solidité du contrat. »
Quelles sont les circonstances qui peuvent amener une famille à souhaiter modifier un contrat? Ça peut être qu'un des enfants est à l'extérieur du pays et qu'il n'a pas vu sa mère depuis plusieurs mois. Peut-être aura-t-il envie de la voir une dernière fois. Quelqu'un peut indiquer dans son contrat qu'il veut que ses cendres soient dispersées à tel endroit alors que le site n'a plus de signification pour la famille 10 ans plus tard. Dans d'autres cas, c'est la dynamique familiale qui a changé. Ou le temps a passé et certains éléments n'ont plus leur raison d'être ou sont devenus impossibles.
À qui appartiennent les funérailles?
« Il faut laisser de la place à la famille dans le processus, souligne Louise Talbot, directrice générale de la Coopérative funéraire du Bas-St-Laurent. Il faut laisser des choses que votre famille pourra décider, comme la robe que vous pourrez porter, etc. Vous vous occupez du principal et des coûts principaux, et la famille s'occupera de faire certains choix au moment du décès. »
Selon Jean-Guy Houle, il y a deux choses qu'on doit distinguer : les rituels d'adieux, d'une part, et la disposition du corps, d'autre part. « Notre corps nous appartient et il nous revient de décider du moyen de disposition. Est-ce que je veux être enterré dans un cercueil ou incinéré? Mais nous considérons à la Coopérative funéraire de l'Estrie que l'exposition et les funérailles appartiennent à la famille. Après tout, ce sont eux qui auront à vivre notre départ. »
Directeur au Centre funéraire coopératif du Granit (Lac-Mégantic), Paul-Bruno Turcotte voit la chose du même œil. « Parfois, on rencontre des gens qui ont toujours dit qu'ils voulaient se faire incinérer à leur décès. Quand ils arrivent ici pour régler leurs arrangements préalables, on leur demande s'ils veulent la crémation au décès ou après l'exposition. Ils réalisent qu'il y a une réflexion à faire là-dessus. Avant de disposer d'un corps selon les volontés du défunt, il convient de dire adieu à la personne. Et c'est là que la famille est interpellée. Il arrive parfois que des gens repartent avec des questions et reviennent nous voir plus tard après une consultation avec la famille. »
La place des émotions
« Je pense que le meilleur moment pour régler les arrangements préalables, c'est quand on est en santé, et en possession de nos moyens, précise Louise Talbot. Ça se passe alors dans une atmosphère de sérénité. Ça permet de rassembler nos idées et celles de la famille. »
Certains croient que de prendre des arrangements préalables est un moyen de prendre des décisions sans émotions. On se trompe un peu là-dessus, croit Louise Talbot : « L'émotion a sa place dans un contrat d'arrangements préalables. Elle n'est pas évacuée. Évidemment, au moment de planifier nos funérailles, on vit des émotions : ça peut être de la peur, de l'anxiété; mais pour beaucoup, ça se transforme en fierté et en sentiment de quiétude. »
De plus, signer un contrat d'arrangements préalables implique qu'on réfléchisse à notre propre mort, qu'on pense aux besoins de ceux qui vont survivre, que l'on réfléchisse au type de cercueil ou d'urne qui recueillera notre corps ou nos cendres. Oui, l'émotion a sa place, mais le contexte est beaucoup moins chargé d'émotivité puisque le décès n'est pas encore survenu.
Paul-Bruno Turcotte abonde dans ce sens : « Un contrat d'arrangements préalables se fait en toute sérénité, sans être poussé par les événements. C'est évident que quand une personne a réglé ses arrangements préalables, ça enlève beaucoup de poids aux proches au moment du décès. Il faut avoir vécu l'événement pour savoir que les décisions se bousculent parfois au moment où un parent décède. D'ailleurs, souvent les gens viennent nous voir suite au décès d'un de leur proche, après avoir vu ce que ça représente de prendre des décisions sous le coup d'une grande émotion. »
Le rôle du conseiller aux familles
Une rencontre avec un conseiller aux familles dure environ 1 h 30 à 2 h et peut se faire au domicile de la personne ou au bureau de la Coopérative. « Notre rôle est d'informer les gens sur tous les points, sur toutes les implications de leurs choix, souligne Paul-Bruno Turcotte. On n'a pas besoin de faire de vente. »
« Quand les gens viennent nous voir, la réflexion est enclenchée sur le sujet, ajoute Louise Talbot. Ils se sont posé la question : « comment je veux que ça se passe »? Certains ont peur d'avoir de la pression s'ils nous demandent de l'information mais ils découvrent vite que nous ne sommes pas là pour faire de la pression. »
Et comme les coopératives funéraires sont là pour répondre aux besoins véritables des familles, sans objectif de profits, il n'y a pas de pression sur les gens pour augmenter le montant du contrat.
« Organiser des arrangements préalables est un travail qui demande beaucoup de respect : le respect de la personne qui le signe et le respect des survivants, souligne Jean-Guy Houle. Notre rôle est de cerner la réalité de la personne, d'être à l'écoute, de voir où la personne en est dans son questionnement, de lui donner des pistes additionnelles pour réfléchir et d'ouvrir son niveau de conscience par rapport à la mort. Nous ne sommes pas là pour dicter la conduite des gens mais pour répondre à leurs besoins avec le plus grand humanisme et le plus haut degré de professionnalisme possible.»
Un dialogue avec nos proches
Spontanément, les proches respectent les volontés du défunt, même au détriment de leurs besoins et de leurs souhaits personnels. Avant de signer un contrat d'arrangements préalables, il est recommandé dans la mesure du possible de parler de nos choix avec eux. Bien sûr, les choix que nous ferons doivent nous respecter en tant qu'individu. Mais il est bon de faire en sorte que la cérémonie qui couronnera notre passage terrestre soit la plus représentative possible de l'être que nous avons été et qu'elle se déroule dans la plus grande harmonie pour les survivants qui auront un deuil à traverser et qui auront été mieux préparés à vivre ces événements. Avec un dialogue constructif, plutôt que de se voir imposer nos décisions, nos proches vont se sentir davantage partie prenante de nos dernières volontés et pourront mieux y trouver réconfort et appui pour traverser leur deuil.
Par France Denis