Lorsqu'une personne vit un deuil, plus particulièrement un enfant, les mots manquent parfois pour exprimer les émotions. D'autres outils que la parole sont alors utilisés pour permettre à la personne endeuillée de nommer et reconnaître ce qu'elle vit. Un des outils utilisés par certains thérapeutes est le mandala, un cercle magique qui agit sur les personnes qui en font l'exercice.
Le mandala est une forme géométrique, généralement un cercle. Il tire ses origines des religions orientales. Le mot mandala vient du sanskrit qui se traduit par « cercle magique » ou « cercle sacré ».
« Le cercle est un symbole fondamental auquel on confère des attributs de perfection et d'homogénéité, d'absence de distinction ou de division. Le point central du mandala représente le soi, selon Carl Jung1; il représente le lien spirituel permettant de rendre visible l'invisible, selon les Navajos; et il représente la réalisation suprême, selon les Tibétains. »
Plus près de nous, les Amérindiens disaient que le pouvoir de l'Univers agit dans un cercle. La vie et la mort n'évoluent pas en ligne droite, mais font partie d'un cycle comme celui des saisons ou de cet autre que dessine dans le ciel la course du soleil et de la lune.
Créer un mandala c'est toucher notre unicité, c'est exprimer nos émotions et, d'une certaine façon, entrer en contact avec notre âme. Le mandala permet à notre créativité de ressortir et, par le fait même, de nous rattacher au grand Tout. Il est de plus en plus utilisé en art-thérapie, puisqu'il agit dans l'inconscient et favorise l'harmonisation avec le conscient.
Le mandala se présente généralement de deux façons. La première et la plus souvent rencontrée est le cercle prédessiné où les créateurs sont invités à en colorier les formes. Le choix des couleurs est souvent en lien avec les émotions vécues. L'application de celles-ci à l'intérieur du cercle provoque généralement un changement au niveau vibratoire qui permet de sentir un mieux-être.
Le mandala est un moyen d'expression que les enfants privilégient puisqu'il se fait de façon spontanée et intuitive. De plus en plus d'enseignants l'utilisent pour aider les enfants à se centrer. Il est proposé aux personnes nerveuses ou agitées de le colorier de l'extérieur vers l'intérieur et aux personnes fatiguées ou tristes d'appliquer les couleurs de l'intérieur vers l'extérieur. Au-delà de ces consignes, l'important est de trouver du plaisir à faire le mandala puisqu'il est, avant tout, une expérience à vivre.
Il existe maintenant des cahiers de mandalas à colorier, certains proposent des thèmes spécifiques, entre autres sur le deuil. En naviguant sur internet, vous pourrez trouver une panoplie d'informations sur le sujet et télécharger des mandalas.
Moins connu et généralement utilisé par les thérapeutes, est le mandala créé à partir d'un cercle vide. La personne est d'abord invitée à se détendre et à prendre contact avec une expérience vécue, un deuil en ce qui nous concerne. Ensuite, cette personne, enfant ou adulte, est invitée à choisir les couleurs qu'elle aimerait disposer à l'intérieur du cercle. Ces couleurs représentent habituellement des émotions ou des sensations conscientes et inconscientes liées à l'expérience vécue. Les formes sont créées selon l'intuition du concepteur. La seule consigne est de colorier en entier l'intérieur du cercle, une partie laissée blanche signifie obligatoirement quelque chose. L'œuvre terminée, la personne prend un temps pour l'admirer après y avoir inscrit son code de couleurs. Ce code permet de relier chacune des couleurs à une émotion ou sensation. Chez les enfants plus jeunes, l'approche J'écoute ma toute petite voix3 propose des visages-émotions leur permettant ainsi de conjuguer plus facilement émotions et couleurs.
Pour toutes les raisons mentionnées ci-haut, le mandala est considéré comme un outil extraordinaire pour travailler le deuil et pour suivre son évolution. Avec les adultes, il permet, par l'exercice du dialogue avec la création, de mettre à distance les émotions contenues dans le deuil et d'amener à la conscience ce qui est difficile à vivre ou à faire.
Une veuve venue me voir réalisa, suite à la création d'un mandala et au dialogue avec celui-ci, que le plus difficile à vivre n'était pas les émotions liées à la perte de son mari, mais bien la tension vécue entre ses filles. Elle trouva même une attitude à prendre face à ce conflit.
En ce qui concerne les enfants, le plus fort de l'exercice se tient dans la conception du mandala. Nous observons souvent durant cette période un regain de vitalité, une nouvelle énergie. Par la suite, nous leur demandons d'admirer leur création et de raconter ce qu'elle représente pour eux. Il est important de laisser l'enfant s'exprimer sans commenter. L'exercice en lui-même permet de dégager les émotions et de prendre conscience de l'importance de celles-ci. En observant l'espace colorié, il est possible d'évaluer l'étendue de chacune des émotions.
Le mandala de Virginie servira d'exemple à cet exercice. Elle l'a créé lors de la huitième semaine d'un groupe de soutien pour enfant en deuil. Elle a perdu son père décédé d'un cancer six mois auparavant. Lorsque Virginie nous présenta son mandala, elle nous raconta qu'elle avait beaucoup de peine et qu'elle était très en colère car son père lui avait promis de guérir. Cependant, participer à un groupe de soutien pour enfant en deuil lui procura soulagement et paix. À la fin, elle ajouta que l'annonce de la mort de son père avait été un choc.
Vous pouvez constater que la conception du mandala de Virginie ainsi que le récit qu'elle nous a fait corroborent son code de couleurs. Pour nous accompagnateurs, il venait consolider ce que nous pressentions de Virginie, c'est-à-dire une enfant d'une belle stabilité intérieure confirmée par le jaune central illustrant la paix, mise à l'épreuve par l'annonce de la mort de son père représentée par la pointe orangée visant le centre et illustrant le choc. La tristesse encore présente s'exprime par les pointes bleues allant vers l'intérieur, entrecoupées de paix et de soulagement. La participation de Virginie au groupe de soutien s'est avérée très bénéfique. Sa colère due au fait que son père n'avait pas guéri était bien perceptible. Cette observation renforce l'importance de faire un suivi de l'évolution de la maladie d'un proche avec les enfants. À cette étape, la colère de Virginie tout comme sa peine commencent à s'éliminer puisque toutes deux sont disposées en périphérie du cercle. Afin de permettre la continuité de l'accompagnement et l'aide apportée à l'enfant, il est important de partager ces données avec la famille et cela avec son accord et sa participation.
Depuis une dizaine d'années, des thérapeutes du deuil utilisent le mandala avec les enfants. Michel Hanus et Barbara Sourkes en parlent dans leur livre, Les enfants en deuil. Portraits du chagrin2. L'exemple de Virginie vient de l'approche développée par Claire Foch et Sylvie Bessette, J'écoute ma toute petite voix3 dont nous donnons la formation. Personnellement, lorsque j'accompagne des endeuillés en psychothérapie, j'utilise cet outil au cours de la première et de la dernière rencontre ce qui me permet d'évaluer l'évolution du processus de deuil. Certains artthérapeutes travaillent uniquement à partir de la création de mandalas puisque ceux-ci, uniques dans leur expression, reflètent ce qui est vécu dans le présent. Il n'en tient qu'à vous maintenant d'en faire l'expérience.
On ne peut envisager sa guérison que si chacun fait un retour méditatif, sincère, loyal et profond sur lui-même [...].
C. G. Jung.
Directive pour la création d'un mandala
- Faire une détente vous mettant en lien avec une expérience vécue (deuil).
- Choisir les couleurs qui vous parlent, représentant consciemment ou inconsciemment une émotion ou une sensation.
- Disposer ces couleurs à l'intérieur d'un cercle en vous laissant guider par votre intuition et tracer les formes qu'elles vous inspirent.
- Inscrire votre code de couleur.
- Admirer votre création et, si désiré, élaborer un dialogue avec elle.
Par Syvie Bessette, travailleuse sociale
Publié dans la revue Profil
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- CARL GUSTAV JUNG (1875-1961), psychologue et psychiatre suisse, converti aux théories psychanalytiques de Freud dont il se sépare après une collaboration de cinq ans. Il fonda l’Institut Jung à Zurich en 1948.
- M. Hanus, B.M. Sourkes, Les enfants en deuil Portraits du chagrin, Collection FACE À LA MORT, Éditions Frisson-Roches, Paris, 1997.
- S. Bessette, C. Foch, Guide d’animation d’un groupe de soutien aux enfants en deuil et aux adultes qui les accompagnent, J’écoute ma toute petite voix, disponible seulement au cours d’une formation. La prochaine sera donnée à Montréal les vendredis 12 et 19 octobre. Courriel : [email protected]