Je me souviens

Je me souviens, c’est la devise d’un Québec qui tente de conjuguer son passé au présent et au futur. Dit autrement, nous vivons dans une société qui cherche à redéfinir ses repères. À peu près tous les pans sociaux y passent. Parmi eux, les rituels funéraires et, plus précisément, les cimetières et autres espaces de mémoire.

Une question de lien

On peut être pour ou contre les cimetières et espaces de mémoire. À une époque où tout se bouscule, où tout est performance, on peut avoir l’impression qu’un cimetière constitue un espace et une dépense inutiles.

Pourtant, plusieurs arguments et constats militent en faveur des lieux de mémoire.

Dans l’ordre des choses, un cimetière ou un columbarium offrent d’abord un espace physique où la personne repose en paix. Une paix qui habite le lieu. Qui vient souvent apaiser les endeuillés. Un cimetière est un lieu qui rend concret le départ d’un être cher. On sous-estime à tort l’importance de définir un endroit où se trouve la personne quand vient le temps d’apprendre à refaire sa vie sans elle, sans lui.

Au-delà de l’organisation spatiale des vivants et des morts, le cimetière permet le maintien d’un lien. Un lien plus organique que virtuel.

Qu’on soit athée, ésotérique ou croyant, un fait demeure : la personne décédée vivra dans nos souvenirs. Le cimetière ou le columbarium deviennent des endroits physiques privilégiés pour le recueillement, la réflexion.

« Quand j’ai une décision importante à prendre, je me rends au cimetière pour y retrouver mon père. Je sais bien qu’il ne peut pas intervenir, mais, concrètement, je me branche à son souvenir et j’arrive à imaginer ce qu’il me dirait. Souvent, ça m’amène à voir d’autres angles. Mais toujours, je me sens plus solide dans ma décision ensuite. Le cimetière sert à ça, pour moi. J’ai bien essayé en regardant la photo de papa à la maison, mais le lien n’est pas le même. On dirait que signal est trop faible ! » disait Jérémie, un jeune homme de trente-cinq ans.

David n’a pas besoin de connaître un des défunts pour apprécier le silence et la paix d’un cimetière. « Je vis tout près d’un cimetière. Je marche chaque semaine dans la partie boisée de ce cimetière. J’y retrouve une paix qui est précieuse dans le rythme un peu fou de mes journées. Mais, surtout, le cimetière me ramène sur terre ! Il y a là des gens qui ont vécu, qui ont contribué à la société dans laquelle je vis. Chaque fois que je vais y marcher, je me dis que j’ai aussi un rôle à jouer. Ça procure une dose d’humilité de constater que nous ne sommes pas éternels, qu’il y a eu un avant et qu’il y aura un après nous ! »

Temps pour la mémoire

Se souvenir, c’est se remémorer. S’assurer qu’on garde en mémoire ce qu’a été une personne pour nous. Et c’est important. Le vieil adage prétend que savoir d’où on vient, c’est savoir où on va. Un bien utile adage pour définir ou redéfinir ses repères !

Il y a plusieurs façons de se souvenir. Le cimetière demeure un endroit privilégié. Un sol qui prend soin des racines de chacun. Et aussi grand que soit un arbre, ce sont ses racines qui le nourrissent.

Texte : François Fouquet, directeur général de la Coopérative funéraire de l’Estrie
Photo : domaine public
Publié dans la revue Profil

Les rituels funéraires d’hier à aujourd’hui