Apprendre la médecine par l’intermédiaire des morts

La médecine n’a pas toujours été comme nous la connaissons aujourd’hui. Elle a parcouru un long chemin parsemé d’embûches et d’erreurs qui l’ont tout de même menée à des résultats incroyables. Toutefois, des lois ont dû être mises en place, notamment dans le domaine de la dissection… pour le plus grand respect des défunts.

 

L’apprentissage de la médecine par la dissection humaine remonte à l’Antiquité, mais c’est une pratique qui s’est développée surtout à la Renaissance. À cette époque, en Europe, les dissections sont faites dans des théâtres anatomiques disposés en cercle avec, en son centre, le corps d’un défunt. La plupart du temps, elles sont publiques et ne sont pas nécessairement réservées aux professionnels de la santé. Il y a aussi des curieux. Cependant, à partir du 19e siècle, la possibilité d’y assister devient exclusive à la profession médicale. Ce sont les étudiants en médecine qui sont invités à participer aux dissections où plusieurs équipes s’exercent en même temps.

Au fil du temps, l’obtention des corps s’est faite de différentes manières. De 1752 à 1829, au Canada, les juges pouvaient condamner les personnes coupables de meurtre non seulement à l’exécution, mais aussi à la dissection de leur corps après leur mort. C’était une peine supplémentaire perçue comme une punition ultime. Mais cela représentait à peine une trentaine de cas pour toute cette période et ne comblait aucunement les besoins qui allaient en grandissant.

À partir de 1843, une nouvelle loi est adoptée au Canada et réserve cette pratique aux corps non réclamés par leurs proches dans un délai fixé par la loi. Précisons que les corps non réclamés sont généralement des gens mis à l’écart ou marginalisés, à qui personne ne veut offrir de sépulture.

Durant cette période, on assiste à une série de scandales liés à l’enlèvement de défunts qui viennent d’être enterrés. Le vol de cadavres, un trafic qui pouvait devenir lucratif, était également perçu par les étudiants qui s’y prêtaient, comme un rite de passage dans la pratique de la dissection, jusqu’aux enlèvements la nuit.

Les gestes reprochés et dénoncés par l’opinion publique entraînent une nouvelle loi en 1883. Celle-ci implique des sanctions pour les contrevenants et impose que les corps non réclamés proviennent des hôpitaux ou des institutions psychiatriques. Tous ces scandales mettent à dure épreuve la réputation du corps médical qui ne veut plus être associé à cette pratique macabre. À la fin du 19e siècle, un médecin respectable veut avant tout être représenté comme un serviteur de la société.

Aujourd’hui, au Québec, les écoles de médecine s’en tiennent à la dissection quasi exclusive de corps volontairement donnés à la science. On se soucie de chaque patient. Le rapport au corps et à la mort est très différent; il a une dimension « sacrée ». Des cérémonies commémoratives ont lieu à la mémoire de ceux qui ont donné leurs corps à la science. Et leurs proches peuvent bénéficier de rituels funéraires qui viennent honorer ce don ultime, au bénéfice de l’humanité.

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D’après un entretien réalisé par Profil avec Martin Robert, postdoctorant en histoire, London School of Hygiene and Tropical Medicine.

Pour aller plus loin : Martin Robert, Cette science nécessaire. Dissections humaines et formation médicale au Québec, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2023, 248 p.

Corps non réclamés

Lorsqu’aucun proche ne se manifeste à la suite d’un décès, le coroner effectue une recherche de famille. Si cette recherche s’avère infructueuse, le corps est considéré comme étant non réclamé. Il est alors inhumé dans un endroit dont le Bureau du coroner conserve la trace pour l’éventualité où le corps serait réclamé dans le futur.

Il est possible en tout temps de réclamer la dépouille d’une personne décédée.

Pour obtenir de l’information à cet égard, composez le 1 888 CORONER.

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