Malgré le fait qu'un deuil normal dure en moyenne deux ans, la société n'accorde généralement que deux semaines pour exprimer son chagrin. Après ce délai, la peur de voir la personne endeuillée sombrer dans une dépression, ou encore se complaire dans sa souffrance, incite l'entourage immédiat à intervenir de façon à accélérer le processus du deuil.
Ainsi, il n'est pas rare de voir des personnes, pourtant bien intentionnées au départ, causer plus de mal que de bien dans leur désir d'aider. Une dame me racontait qu'à la mort de son mari, un ami s'était présenté au salon funéraire pour lui offrir ses condoléances. Dans le but de la réconforter, il lui avait dit que sa beauté ferait en sorte qu'elle n'aurait aucune difficulté à se remarier... L'homme en question voulait sans doute détendre l'atmosphère. Peut-être aussi que la souffrance de son amie lui était insupportable.
Il est donc très important de connaître quelques principes de base quand vous offrez votre soutien.
L'importance des émotions
Lorsque vous voulez aider une personne endeuillée, sachez d'abord que faire le deuil d'un proche demande du temps et qu'il n'existe aucun raccourci bénéfique pour éviter la souffrance provoquée par la perte d'un être cher. Cependant, il y a des attitudes aidantes qui permettent de mieux traverser l'épreuve. Si vous croyez qu'être « fort » consiste à refouler ses émotions, vous êtes déjà sur la mauvaise voie car, tôt ou tard, la souffrance trouvera son chemin. Soit elle se manifestera de façon amplifiée lors d'une épreuve ultérieure, soit elle fera des dommages plus sournois sur l'état de santé de la personne concernée. Alors, aussi bien encourager l'expression des émotions, même si parfois il vous arrive d'avoir l'impression que le deuil ne se fait pas. Néanmoins, si vous constatez que la personne endeuillée n'arrive pas à surmonter l'épreuve malgré le support de son entourage, peut-être serait-il sage alors de l'inciter à s'inscrire à un groupe d'entraide pour personnes endeuillées, ou encore à consulter un professionnel de la santé. Celui qui fait cette démarche ne doit surtout pas en avoir honte. Au contraire, demander de l'aide démontre une grande maturité, celle de reconnaître que l'on est dépassé.
La disponibilité et l'écoute
Le travail de deuil demande beaucoup d'énergie. C'est une période de manque d'appétit, de sommeil perturbé et de larmes. Chaque jour devient un fardeau et les tâches normales de la vie se font lourdes à porter. Le chagrin prend déjà toutes nos forces et il ne reste plus rien pour le reste. Alors si vous le pouvez, soyez disponible lorsque tous les autres auront quitté le navire après les deux premières semaines accordées. Offrez de votre temps pour aider dans les tâches ménagères ou pour la préparation des repas. Ou encore, prenez les enfants avec vous quelques jours afin de donner un peu de répit aux parents... et aux enfants, qui souffrent aussi.
Enfin, soyez une bonne oreille et faites-vous rassurant. Il arrive souvent que la personne endeuillée vive un fort sentiment de culpabilité pour une raison ou une autre. Qu'elle ait raison ou non, ce n'est pas le temps des confrontations. Ce n'est surtout pas le moment de faire la morale. Trouvez plutôt des paroles qui sauront l'apaiser. Faites preuve d'empathie, c'est-à-dire essayez de vous placer dans la peau de l'autre. Quand mon jeune frère est décédé à l'âge de deux mois, notre voisine de palier, que nous connaissions à peine, s'est présentée chez nous le jour même. Elle ramassa tous les effets personnels du bébé et les apporta chez elle, en précisant que ma mère pourrait les récupérer dès qu'elle se sentirait prête à le faire. Ensuite, elle nous amena, mon frère aîné et moi, avec elle pour quelques jours. Cet événement remonte à plus de 45 ans, ma mère est âgée maintenant et plusieurs souvenirs se sont envolés, mais elle se rappelle encore à quel point cette femme avait compris sa grande détresse. Elle se rappelle aussi avoir été profondément blessée lorsqu'une personne lui a dit qu'elle était quand même chanceuse d'avoir d'autres enfants...
Garder le « livre ouvert »
Certaines personnes croient que de minimiser les faits réduit la douleur. De même que d'autres croient que parler de la personne décédée l'accentue. Quand mon père est mort, il avait 79 ans. Me faire dire qu'il était vieux et souffrant n'atténua en rien mon chagrin. Au même titre que le rappel de l'homme merveilleux qu'il était ne l'amplifia. J'aimais mon père et il me manquait. Et la seule façon que j'avais trouvée de le garder en vie était de parler de lui. Être en deuil ne veut pas dire oublier et tourner la page. Être en deuil est un processus d'acceptation et de reconstruction. La page de mon père en est une qui restera toujours ouverte afin que je puisse y relire ses magnifiques moments qu'il m'a donnés en héritage et que j'essaie, aujourd'hui, de transmettre à mes enfants.
Alors si vous voulez vraiment aider une personne endeuillée, n'ayez pas peur de parler de la personne décédée, et surtout, n'ayez pas peur de vivre les émotions qui se manifesteront, car « Les mêmes souffrances unissent mille fois plus que les mêmes joies » (Lamartine).
Six repères pour aider une personne endeuillée
- Acceptez que la durée du deuil puisse être longue
- Soyez disponible (au-delà des deux premières semaines)
- Faites preuve d'empathie
- Encouragez l'expression des émotions
- Soyez réconfortant
- N'ayez pas peur de parler de la personne décédée
Par Maryse Dubé
Publié dans la revue Profil